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Enedis : quand un accident du travail provoque un électrochoc, il est suivi d'actions

Électrisé lors d’un contrôle sur un poste transformateur HTA/BT, un agent Enedis s’en sort de façon presque inespérée avec des brûlures au second degré et un arrêt de travail de près de trois semaines. Après un travail sur l’analyse des causes, l’entreprise Enedis déploie des mesures pour améliorer la sécurité des interventions sur des installations qui ne lui appartiennent pas et dont elle ne sait pas toujours tout.

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Delphine Vaudoux - 23/05/2025
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Une sensibilisation à la distance minimale d'approche a été déployée  et des télémètres sont désormais à la disposition des intervenants.

C’est un accident qui a eu lieu il y a un peu plus d’un an. Un accident grave mais dont les conséquences auraient pu être bien plus lourdes pour la victime qui s’en sort quasiment indemne. Cependant, pour Enedis, l’événement a l’effet d’un électrochoc. Depuis, après enquête et analyse avec le CSE, la Carsat Nord-Est et l’inspection du travail, l’entreprise a mis en place des mesures importantes de prévention.

Le 20 février 2024, Olivier Hugé, technicien en interventions spécialisées chez Enedis, se rend chez un client, à Châlons-en-Champagne, dans la Marne. Il doit réaliser des mesures de puissance sur un poste transformateur HTA/BT permettant de passer de 20 000 V à 400 V. Il s’agit d’une visite inopinée, à la demande de l’Agence grands producteurs, destinée à contrôler une installation photovoltaïque. Olivier Hugé est expérimenté : cela fait 18 ans qu’il effectue ce type d’interventions, dans des locaux et sur des installations qui n’appartiennent pas à Enedis et dont il ne l’état n'est pas toujours connu, leur entretien étant à la charge du client. « Je savais juste que la dernière visite datait de plus de vingt ans », se souvient-il.

REPÈRES

  • La distance minimale d’approche de pièces nues sous tension est de 30 cm pour la BT et 60 cm pour la HTA.

Au préalable, il a récupéré à son bureau la liste de ses interventions de la journée. C’était sa première… Sur place, il s’adresse au client, qui lui indique que la partie comptage du poste HTA/BT est porte gauche du local, et le laisse seul. Avant d’entrer dans le poste, il analyse l’environnement. Le poste de gauche comprend le compteur et, à première vue, tout lui semble correct. Il effectue une première mesure sans problème mais au niveau de l’armoire BT, collée au mur, les câbles semblent passer par l’arrière et il n’a pas la place pour engager sa pince ampérométrique. « J’en déduis que le transfo est dans le local de droite. » Il se présente devant la porte de droite du poste qui n'est pas verrouillée, ce qui n’est pas normal.

CSE extraordinaire et un accompagnement de la Carsat

« À peine ai-je ouvert la porte – peut-être que j’ai juste avancé la main droite mais j’étais loin des pièces nues –, j’ai ressenti une décharge mais surtout, j’ai eu l’impression que mon bras était devenu inerte. » L’ensemble du site ayant disjoncté grâce aux protections du réseau de distribution, le client vient voir ce qui se passe et trouve le technicien électrisé. Il alerte les pompiers qui le prennent en charge. Il est admis à l’hôpital où des brûlures au second degré – du poignet droit jusque sous les côtes de gauche – seront diagnostiquées. « Très près du cœur, lui dira le corps médical. Vous êtes un miraculé. » Après une journée d’observation pour vérifier son taux d’enzyme et son rythme cardiaque, il est arrêté trois semaines. Il sera constaté, dans le transformateur, des traces d’amorçage entre la tresse de terre et la première borne HTA.

Olivier Hugé, technicien en interventions spécialisées chez Enedis, a été victime d'un accident grave. Après enquête, des mesures de prévention ont été prises.

Deux jours plus tard, le 22 février, un CSE extraordinaire se réunit et vote le lancement d’une enquête conjointe entre les représentants du CSE et de la direction. Deux mesures conservatoires sont mises en place : l’interdiction d’accès au poste client concerné, et la réalisation d’un point d’arrêt le 23 février pour informer l’ensemble des équipes d’Enedis Champagne-Ardenne. « Il fallait informer tout le monde et éviter que des bruits circulent… », insiste Cyril Durmarque, chef de pôle Interventions spécialisées et manager d’Olivier Hugé. Les agents de l’équipe sont choqués, deux d’entre eux bénéficient d'une prescription d'arrêt de travail. « Personne ne comprenait car je suis celui qui forme, celui qui sait… », résume Olivier Hugé. Une assistance psychologique est proposée, et l’information est partagée avec la direction et les équipes prévention nationales.

Le CSE se lance dans une enquête qui dure plusieurs mois. Un arbre des causes est établi avec la Carsat et l’inspection du travail. « Nous avons travaillé ensemble sur la façon de formuler les faits afin de mettre en lumière tous les éléments qui ont pu contribuer à l’accident, explique Stéphanie Gueneley, contrôleuse de sécurité à la Carsat Nord-Est. L’arbre des causes a permis de mettre en évidence des causes racines, organisationnelles ou techniques… et de mettre en œuvre des actions pour éviter que cela ne se reproduise. »

Un appel à vérifier les installations

À l’issue de ce travail, la Carsat a envoyé un courrier avec des propositions d’actions. Parmi lesquelles, remettre au cœur de l’intervention le TOP, pour « Temps d’observation préalable » : « Lorsque le technicien arrive sur site, il observe. S’il a un doute, il envoie une photo et sa hiérarchie répond sur la poursuite ou non de l’intervention », explique Nicolas Alazet, directeur délégué Enedis Champagne-Ardenne. De plus, afin d’évaluer la distance entre l’opérateur et les pièces nues, un télémètre est désormais à disposition dans tous les véhicules d’intervention, afin d’éviter toute approximation. Et un logigramme décisionnel, conçu avec la Carsat, précise le mode opérationnel. À chaque étape, le technicien valide ou s’arrête. « On procède à des contrôles pour s’assurer qu’ils sont respectés », précise le chef de pôle.

LES PRINCIPES DE MISE EN ŒUVRE DE L’ARBRE DES CAUSES

1. L’analyse ne s’inscrit pas dans une recherche de responsabilité.

2. L’analyse s’appuie sur l’utilisation d’un cadre d’observation évoquant la situation de travail et sur des entretiens.

3. L’analyse appréhende l’accident du travail comme un événement pluricausal et met en évidence plusieurs facteurs.

4. L’analyse repose sur la mise en évidence des faits et non sur des interprétations ou des jugements de valeur.

5. Les étapes de la méthode sont définies et respectées : recueil des données et construction de l’arbre, puis propositions d’actions.

6. L’analyse vise à prendre en compte des faits le plus en amont possible dans la genèse de l’accident.

7. L’analyse permet de débattre et de communiquer en s’appuyant sur une représentation graphique.

Pour compléter ces procédures, un courrier a été envoyé à tous les propriétaires de postes clients afin qu’ils s’assurent de leur conformité. « On voulait que nos clients s’interrogent sur l’état de leur installation et qu’ils la mettent en conformité si nécessaire », précise le directeur délégué. À l’échelle de la région, cela a représenté 3 265 envois. Au niveau national, l’instruction permanente de sécurité – ou IPS – qui régit les interventions dans les postes de transformation de clients a été revue, avec l’aide d’agences locales, dont celle de Champagne-Marne. « Ça a été un travail conséquent, achevé en février 2025 après validations de plusieurs instances dont la CSSCT centrale, relate Cyril Dumarque. Je l’ai présenté à toute l’équipe en insistant sur ce qui avait changé. »

Enfin, une sensibilisation à la distance minimale d’approche (DMA) est en cours de déploiement au niveau national. Obligatoire pour les agents, elle est portée par les managers et commence par une vidéo de sensibilisation, suivie d’un questionnaire sur la réglementation et les distances à respecter, ainsi que des photos et analyses d’accidents. « À la fin, nous incitons les participants à faire des propositions sur une plate-forme nationale. Les plus pertinentes seront déployées. » Aujourd’hui, Olivier Hugé a repris ses interventions sur le terrain. « C’est le métier que j’aime. » Il garde néanmoins une cicatrice sur le torse. « C’est finalement pas grand-chose. »

HUIT RÈGLES D’OR OU FONDAMENTAUX

« On fait très régulièrement des rappels sur les huit règles d’or d’Enedis appelés 'fondamentaux' », explique Cyril Dumarque, chef de pôle Interventions spécialisées : 

  • Je suis attentif lors de mes déplacements.
  • Je réfléchis avant d’agir (TOP et point d’arrêt) pour moi et pour les autres.
  • Je ne manipule pas mon téléphone au volant et j’adapte ma vitesse à mon environnement.
  • Je ne travaille pas sous l’emprise de l’alcool ou de drogues.
  • J’utilise les moyens de protection collective et je porte les EPI adaptés.
  • Pour tout travail en hauteur, je priorise les équipements. de protection collective. Je vérifie l’intégrité des supports.
  • Je respecte les opérations de la consignation.
  • Lors de toute manipulation mécanique, je ne passe jamais sous la charge et je maintiens une distance de sécurité lors de son guidage.
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