
En ce mois d’avril, on est rattrapés par les embouteillages aux abords de Clermont-Ferrand, dus aux travaux en cours. « C’est simple, il y en a partout », résume une commerçante, pour le moins agacée. Ici pour créer une piste cyclable, là pour réaménager une place ou encore déployer le projet InsPire qui a pour vocation de « construire, à l’horizon 2026, une nouvelle offre de mobilité sur l’ensemble du territoire », avec notamment la création de lignes de « bus à haut niveau de service » ou BHNS de la métropole clermontoise - véhicules zéro émission, voies dédiées sur la quasi-totalité du parcours, augmentation de la fréquence de passage des bus -, impliquant la redistribution d’une partie de l’espace.
Cournon-d’Auvergne, à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand, est la deuxième ville du Puy-de-Dôme. Elle sera desservie, d’ici quelques mois, par ces fameux « BHNS ». Pour l’heure, le plus impressionnant, ce sont les travaux sur la place Joseph-Gardet et dans les rues adjacentes. À terme, une jolie place piétonne, agrémentée de végétation et d’un miroir d’eau, devrait voir le jour. Et c’est Eurovia qui a en charge le réaménagement de l’espace – en y faisant aussi passer de nouveaux réseaux – afin aussi de permettre le passage des BHNS.
LES OPÉRATIONS DE PAVAGE
© Patrick Delapierre pour l'INRS/2025
Sur une partie de la place, les opérations de pavage ont commencé. Elles sont réalisées par une équipe de Filippis, filiale régionale d’Eurovia. Pour ce faire, les ouvriers ont enfoncé un peu partout des fiches d’altimétrie, afin d’avoir des repères pour le pavage. « Mais pour ne pas prendre de risques si la fiche touche un réseau, le haut des fiches est isolé avec un embout en plastique », remarque Christophe Degeorge, le contrôleur de sécurité de la Carsat Auvergne. De plus, toujours dans une démarche de prévention des risques professionnels, la pose des plus grosses dalles (qui atteignent 59 kg) se fait à l’aide d’un préhenseur à ventouse, acquis pour ce chantier, évitant aux ouvriers paveurs des ports de charge qui peuvent être conséquents.
« La place Joseph-Gardet est un ancien champ de foire, explique Guillaume Raynaud, conducteur de travaux chez Eurovia. Je pense que cela fait très longtemps qu’il n’y avait pas eu de travaux conséquents, avec une bonne cartographie des réseaux. » Les traits de bombes de couleurs au sol sont partout : vert pour les télécoms, rouge pour l’électricité, jaune pour le gaz. « Vous voyez, poursuit Guillaume Raynaud, quand on met ce V de part et d’autre du trait pour signaler le réseau, cela signifie que nous avons cette distance d'incertitude. Ici, je dirais que nous avons 50 cm de part et d’autre. »
En réponse à la DICT (déclaration d’intention de commencement de travaux), l’entreprise a bien reçu, de la part des concessionnaires, les plans des réseaux, théoriquement de classe A soit la plus précise, mais, dans leur grande majorité, ils sont très approximatifs. « Cela s’apparente à de l’archéologie, remarque Christophe Degeorge, contrôleur de sécurité à la Carsat Auvergne. On ne sait jamais ce que l’on va trouver, donc il faut faire preuve d’une extrême vigilance. Car si une ligne électrique est touchée, les conséquences peuvent être très graves. »
Guillaume Raynaud a bien conscience des risques encourus. Chaque matin, son chef de chantier organise « Les 5 premières minutes » pour l’ensemble de l’équipe, même si tous ont été formés à l’AIPR (autorisation à intervenir à proximité des réseaux). « On essaie de faire participer chacun le plus possible, pour que tous prennent bien conscience des risques, explique le conducteur de travaux. Même si nous sommes une petite équipe d’une dizaine de personnes, c’est important. On ne cesse de dire que même s’il n’y a pas de filet (censé identifier et protéger les réseaux), cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de réseau. » Dans le bungalow de chantier, à côté du plan de la place commenté chaque matin, sont affichés les interventions du jour, les sous-traitants présents ainsi que les neuf règles d’or d’Eurovia, issues entre autres des « Safety Days » du groupe, et auxquelles il n’est pas question de déroger sous peine de sanction immédiate.
Sur le terrain, les chefs d’équipe tentent de se repérer en s’appuyant sur les plans papier qu’ils ont pris le soin d’intégrer à leur tablette. Une perche GPS leur fournit leur position précise : à eux d’identifier les réseaux. Pas si facile. « Ils sont parfois obligés de travailler à l’ancienne, avec la méthode de la triangulation des points », remarque le contrôleur de sécurité. Et lorsque la concentration des réseaux s’annonce trop importante sur un même site, la pelle mécanique laisse la place à l’excavatrice aspiratrice, afin de ne pas prendre de risque.

Une excavatrice
Après avoir contourné la place Joseph-Gardet, nous nous rendons dans une rue dont la circulation a été alternée. L’un des trottoirs a été éventré pour y faire passer de nouveaux réseaux : six pour les télécoms, un pour l’arrosage et deux autres pour l’électricité. À l’intérieur de la tranchée, Wesley Moefana, un ouvrier d’Eurovia, guide et aide, manuellement, à la pelle, le conducteur de l’entreprise Tapir (Terrassement par aspiration pour intervention réseau). « Nous avons loué les services de cette entreprise pour la semaine, car le trottoir est très étroit et nous avons identifié la présence d’au moins six réseaux sensibles », explique Guillaume Raynaud. Une décision approuvée par le contrôleur de sécurité.
Le pilote de Tapir et l’ouvrier d’Eurovia échangent en permanence. « Avec l’aspiratrice, on travaille bien sans risquer d’arracher un réseau, remarque Wesley Moefana. C’est pratique et très efficace. » Benjamin Cohendy, l’opérateur de l’aspiratrice, reste hyper concentré. « C’est important d’avoir toujours Wesley en visuel. Si nécessaire, il utilise la pioche à air pour foisonner les matériaux à proximité des réseaux : cela me permet d’aspirer plus facilement. » Il sortira certains gros blocs de béton en jouant sur l’aspiration pour les soulever et les déposer sur le bord de la tranchée. Lorsqu’il est très près des réseaux, afin de ne pas les abîmer, il adjoint à la buse en métal de l’aspiratrice un embout en caoutchouc. Pour une tranchée d’environ un mètre de large et un mètre de profondeur, la progression peut être de 50 m par jour, mais tout dépend de la quantité de réseaux rencontrés.
Une fois les nouveaux réseaux posés et les travaux pratiquement terminés, une salariée d’Eurovia se charge d’identifier et de positionner les réseaux sur un plan interactif. Léa Bonnaud, alternante ingénieure travaux, avance avec sa tablette et la canne GPS. « La canne GPS permet de nous localiser parfaitement. Léa met à jour les plans de récolement pour qu’on puisse les donner ensuite aux concessionnaires, avec une précision de 3-4 cm, commente Guillaume Raynaud. Lorsque l’on a un tel degré de précision, on peut travailler en sécurité. »
Reste aux concessionnaires à maintenir les plans à jour… mais c’est une autre histoire. Le chef de travaux nous relate, sur un autre chantier, avoir demandé récemment un plan à un concessionnaire. Ce dernier lui en a fourni un : « Mais j’ai tout de suite vu qu’il n’était pas à jour, précise-t-il, car les travaux qu’on avait réalisés il y a quelques mois n’y figuraient pas. » Tout est dit.
RISQUES ET MOYENS DE PRÉVENTION
© Patrick Delapierre pour l'INRS/2025
Affichés dans le bungalow et commentés le matin du reportage, les risques professionnels du chantier :
• écrasement ; renversement ; chute de plain-pied ; réseaux existants ; piéton ; éboulement.
En réponse, les moyens de prévention :
• homme trafic ; balisage en place et maintenu ; traçage DICT ; maintien des passages piétons ; mise en place blindage.