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Technologie

Intelligence artificielle et prévention des risques professionnels, quels avantages ?

Le 19 juin dernier, à Lattes, près de Montpellier, environ 200 personnes ont participé à la matinée organisée par la Carsat Languedoc-Roussillon sur le thème de l’intelligence artificielle et la prévention des risques professionnels. Si la technologie ne remplacera jamais l’humain, il est indéniable qu’elle va jouer un rôle de plus en plus important dans la santé et la sécurité au travail.

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Delphine Vaudoux - 03/09/2025
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Étude dans les laboratoires de l'INRS sur la prévention des risques liés à l'émergence des IA dans les machines.

À l'heure actuelle, l’intelligence artificielle (IA) se développe dans tous les domaines et tous les secteurs d’activité. Le monde de la prévention ne fait pas exception en la matière. Que ce soit en épidémiologie, par exemple, pour traiter rapidement des données, ou encore, en accidentologie, pour mieux exploiter des informations parfois mal structurées. Les acteurs de la prévention l’ont bien compris : l’IA permet d’exploiter des volumes considérables d’informations. Mais concrètement, quels peuvent être les apports de l’IA dans la prévention des risques professionnels ? C’est le thème qui avait été choisi pour le « Rendez-vous de la prévention » de juin dernier, organisé comme chaque année par la Carsat Languedoc-Roussillon. Le point de départ de la journée a permis de poser le sujet et ses enjeux avec l’intervention de Jennifer Clerté, de la mission veille et prospective de l’INRS, qui, à travers le résumé de l’exercice de prospective réalisé en 2022 par l’INRS, a fait émerger quatre scénarios pour l’IA à l’horizon 2035 : 
 

  • les géants du numérique continuent d’imposer leurs solutions et leur vision ;
  • les États garantissent un cadre pour l’intégration de l’IA, en fixant des règles ;
  • l’IA se développe de façon hybride, en confiance. Les recherches lancées débouchent sur des systèmes combinant puissance d’apprentissage automatique et transparence des systèmes de raisonnement logique ;
  • enfin, l’IA décline : après des progrès, c’est le temps de la déception des applications, des défaillances, avec des incidents et accidents.

L’IA s’adosse à des mesures d’organisation

Deux exemples d’utilisation de l’IA présentés lors de cette matinée permettent d’illustrer ces propos. Le groupe Lafarge a témoigné de son utilisation sur le site de production de ciments de Port-la-Nouvelle. À la suite d’un accident mortel lors d’opérations de chargement/déchargement, une analyse poussée a eu lieu, avec l’aide de la Caisse régionale. La question s’est posée de protéger les salariés, sous-traitants, chauffeurs, clients lors de ces manoeuvres. Adossée à des réflexions organisationnelles, une solution, développée sur mesure avec l’entreprise MC3I, permet désormais de localiser l’intervenant et de lui rappeler les EPI à porter et les secteurs où il est autorisé à se rendre. Une caméra capte ses moindres déplacements et se charge, à l’aide de messages sonores, de rappeler consignes et obligations. « En termes d’identification de situations problématiques, cette solution est fiable à 95 %, estime Belkacem Zmiri, le responsable santé et sécurité du site. Elle va être déployée sur l’ensemble des sites Lafarge en France. »

Morgane Liorzou, de la société Oso-Ai basée à Brest, a, quant à elle, présenté son « oreille augmentée des soignants ». Après l’analyse et l’identification de tous les types de bruits qui pouvaient être émis par des personnes accueillies en Ehpad – lors de chutes, d’appels à l’aide, de vomissements, de malaises... –, l’entreprise a créé de petits boîtiers installés dans les chambres des résidents pour écouter les sons émis. Grâce à l’intelligence artificielle, ces boîtiers, reliés à des smartphones dont sont dotés les soignants, sont capables de traduire un bruit émis dans une chambre en événement identifié… Le soignant intervient alors en connaissance de cause. « Ce n’est pas un babyphone ni un dispositif médical : le soignant dispose d’une information », a précisé Morgane Liorzou.

Une technologie au service de l’homme

L’Ehpad Kerloudan, situé à Ploemeur, en a fait l’acquisition il y a quelques mois, et sa directrice, Anne Fontaine, a pu ainsi supprimer les tours systématiques de nuit, les interventions nocturnes n’ayant lieu qu’en cas de survenue d’événement. « Notre Ehpad étant vaste (c’était avant un centre de vacances), les soignants parcouraient beaucoup de kilomètres, raconte-t-elle. Cette solution les soulage. Ça permet aussi de diminuer leur charge mentale, car lorsqu’ils entrent dans une chambre, ils savent désormais à quelle situation ils vont être confrontés, ce qui n’était pas le cas avec le système précédemment utilisé, le médaillon d’appel. Au final, les soignants s’estiment recentrés sur leur métier. » Après une période de « rodage » de trois à quatre jours, elle estime le système parfaitement fiable.

Sadrina Bertrand, ingénieure-conseil régionale de la Carsat Languedoc-Roussillon, a conclu la matinée en insistant sur le fait que l’IA devait être au service de l’homme et s’intégrer dans une démarche globale de prévention. « Attention, a-t-elle relevé : l’IA ne doit pas non plus générer de nouveaux risques. Il faut reconnaître ses limites. Car ces outils ne peuvent pas tout anticiper, tout prévoir, tout modéliser… » On aura toujours besoin de l’intelligence humaine.

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