
Posté telle une sentinelle sur une colline surplombant la commune de Lanfains, au sud-ouest de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, l’abattoir LDC Bretagne a fêté ses 50 ans en 2024. À l’origine érigé par un éleveur de poules, il a été racheté en 2004 par le numéro un hexagonal de la volaille. « Cette acquisition a marqué le début de l’implantation du groupe LDC dans la région, qui compte aujourd’hui douze sites, explique Benjamin Bobes, directeur de l’établissement. À partir de 2014, notre maison-mère a investi chaque année pour construire de nouveaux locaux tout autour du bâtiment historique, faisant passer la surface de 2 000 à 3 000 m2. » Ces agrandissements successifs, associés à la modernisation de l’outil de production, ont largement permis d’augmenter la capacité de l'abattoir qui voit aujourd’hui passer chaque semaine dans ses ateliers 320 000 poulets du quotidien, auxquels s’ajoutent 60 000 poulets fermiers, le tout écoulé à 96 % sur le territoire national.
Un espace de travail comme les autres
Les aménagements ont systématiquement intégré la prévention des risques professionnels afin d’améliorer les conditions de travail des salariés, actuellement au nombre de 335. « Le groupe est suivi par nos services et le site de Lanfains est ciblé TMS Pros depuis le début du programme, souligne Magaly Bozec, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bretagne. Nous avons donc tout naturellement accompagné la conception des nouveaux bâtiments. L’un de nos conseils portait sur l’importance de penser les combles techniques comme n’importe quel lieu de travail puisque les équipes de maintenance sont amenées à y intervenir régulièrement. »
COACTIVITÉ
Les travaux réalisés sur le site ont été conduits en maintenant la production, ce qui a nécessité une organisation au cordeau de la coactivité. « Il a fallu se donner les moyens en acceptant des baisses de productivité, estime Guillaume Morin, responsable de projet. Le groupe LDC nous a accordé du temps pour mener à bien les opérations en s’autorisant à faire intervenir une entreprise de construction après l’autre. » Résultat, aucun accident pendant les travaux.
Très souvent, dans nombre d’entreprises, les combles techniques ne sont pas considérés comme des espaces de travail. Or différents risques professionnels, dont celui de chute de hauteur, y sont très présents. En effet, il arrive que des accidents aient lieu avec des personnes qui passent au travers des plafonds. Le nombre important d’accident de ce type a d’ailleurs poussé la Carsat Bretagne à publier une fiche sur la conception des combles qui rassemble points de vigilance et bonnes pratiques de prévention.
Résultat, les combles techniques de l'entreprise ont été équipés de cheminements renforcés en caillebotis. Toutefois, en recouvrir toute la surface aurait été trop onéreux. « Nous essayons de nous améliorer en continu, souligne Maude Prioul, la coordinatrice sécurité de l’abattoir. Pour les combles les plus récents, datant de 2023 et situés au-dessus de l’atelier d’éviscération, nous avons identifié les maintenances les plus récurrentes, comme celles sur les centrales de traitement d’air, certaines vannes ou les armoires électriques. Nous avons mis en place des cheminements solides permettant d’accéder en sécurité à ces installations ». Au final, 90 % des opérations se font depuis les caillebotis.
Dispositif d’alarme du travailleur isolé
Et pour faciliter les déplacements dans ces espaces contraints, des zones de stockage pour outils et matériels ont été ajoutées en différents points de la circulation. Quant à l’éclairage, il a été positionné à proximité des dispositifs qui nécessitent le plus d’interventions. « Des contraintes techniques ont empêché la création de puits de lumière, mais nous comptons bien permettre l’entrée de lumière naturelle dans les combles du bâtiment historique lorsque nous aurons le budget pour les rénover », précise Guillaume Morin, chef de projet.
DES AMÉLIORATIONS À LA CHAÎNE
Des quais de réception des poulets jusqu’au conditionnement des colis, en passant par les postes de découpe, le traitement des déchets ou encore l’atelier de surgélation, de nombreux postes de travail de l’abattoir LDC Bretagne ont bénéficié d’améliorations ces dix dernières années. La zone d’accrochage en est un exemple. Avant, elle était très exiguë, n’était pas équipée d’aspiration, la hauteur du convoyeur n’était pas adaptée… Tout cela a été corrigé. « Le port de charges étant identifié comme un risque prioritaire, nous avons misé sur l’ergonomie des postes et les aides à la manutention », ajoute Maude Prioul, la coordinatrice sécurité. « Sur de nombreux aspects, le Centre interrégional de mesure physiques de l’Ouest (Cimpo) a été d’une aide précieuse, signale Magaly Bozec, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bretagne. Pour dimensionner les aspirations, déterminer la glissance des sols, travailler sur la luminosité… »
Du point de vue organisationnel, pour éviter les risques liés au travail isolé, les interventions de maintenance se font à deux. Et si un salarié doit impérativement se rendre seul dans les combles, il s’équipe d’un dispositif d’alarme du travailleur isolé (Dati) qui alerte les secours en cas situation anormale. Des balises quadrillent les combles techniques et permettent de géolocaliser le porteur du Dati ayant donné l’alerte afin, si nécessaire, de le prendre en charge rapidement. « En outre, les simulations d’accidents que nous organisons régulièrement avec les pompiers leur permettent de s’approprier la géographie de notre site », se félicite Benjamin Bobes.
Et si malaise il y a dans les combles, inutile de suspecter une fuite d’ammoniac puisque ce gaz, utilisé dans le système de réfrigération pour maintenir la température des différents ateliers, est cantonné à la salle des machines. Celle-ci, située à proximité de la maintenance, est bardée de capteurs ultra-sensibles et son accès est restreint au personnel formé et autorisé. Un système d’échangeur calorifique permet de substituer l’ammoniac par de l’eau glycolée, beaucoup moins toxique, dans le reste du réseau.

« Il est primordial de faciliter et de sécuriser l’accès aux combles, pour les secours, certes, mais aussi et surtout pour les salariés qui y œuvrent au quotidien, précise Magaly Bozec. Pouvoir s’y déplacer debout est une bonne chose, mais s’il faut se contorsionner pour y entrer par une petite ouverture après avoir emprunté une échelle à crinoline… J’ai insisté pour qu’un escalier soit ajouté au projet. » Dans un premier temps, le coût supplémentaire que représente l’installation – la façade où courent de nombreuses canalisations de toutes tailles a nécessité une architecture complexe – a fait réfléchir la direction. Mais celle-ci a fini par se laisser convaincre, pour la plus grande satisfaction de Benoît Martin, le responsable d’équipe maintenance : « Cela change tout ! C’est vraiment confortable, surtout avec des outils et du matériel. »
Le constat semble unanimement partagé par toutes les équipes de maintenance, internes comme externes. Celles-ci saluent l’aboutissement que représente la toute dernière version des combles techniques. D’ailleurs, cette réalisation exemplaire attise la curiosité de services d’autres établissements au sein du groupe qui viennent la visiter afin de s’en inspirer.
CONTRAINTE NATURELLE
LDC Bretagne aurait souhaité que ses extensions soient de plain-pied pour encore plus de sécurité, mais son positionnement au milieu d’une zone classée « Natura 2000 » (aire protégée créée par les États membres de l'Union européenne sur la base d'une liste d'habitats et d'espèces menacés) ne lui a pas permis de concrétiser ce projet.