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Les activités de loisirs

Les travaux d’Astérix sur la maintenance sans risque

À la faveur d’une nouvelle dynamique impulsée par la direction pour améliorer la prévention des risques professionnels, le Parc Astérix, qui vient de fêter ses 35 ans, se consacre tout particulièrement aux métiers de la maintenance. Illustration avec l’équipe du matin.

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Corinne Soulay - 25/06/2025
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L’organisation a été revue pour réduire le risque associé au travail  isolé. Neanmoins, tous les techniciens ont été munis d’une montre d’alerte, géolocalisée, pour pouvoir réagir en cas de malaise.

6 heures, à Plailly, dans l’Oise. Dans quelques heures, le Parc Astérix résonnera des rires des familles venues profiter de la cinquantaine d’attractions inspirées du héros gaulois. Mais, pour le moment, les allées sont vides et les manèges aux noms évocateurs – Pégase express, Toutatis, Goudurix… – sont à l’arrêt. Pourtant, une poignée d’irréductibles sont déjà à pied d’œuvre. « Chaque soir, à la fermeture du parc, débutent les opérations de maintenance préventive qui durent toute la nuit et jusqu’à la réouverture du site le lendemain, explique Antoine Lardière, le responsable sécurité du Parc Astérix. Les attractions sont vérifiées une à une : d’abord les petits manèges puis les plus complexes. On termine le matin par les attractions aquatiques et les montagnes russes. » Puis, durant l’ouverture au public, l'attention des techniciens est centrée sur la maintenance corrective pour pouvoir intervenir au plus vite en cas de panne.

Pour réaliser ce travail titanesque, point de potion magique, mais cinq équipes de douze techniciens qui travaillent en 5 x 8 et se relaient sur trois plages horaires : 6 h-14 h, 14 h-22 h et 22 h-6 h. À ces équipes d’intervention s’ajoutent des techniciens dédiés aux trains et embarcations. Tous ont bénéficié ces dernières années de mesures mises en place pour améliorer leur sécurité. L’arrivée, il y a quatre ans, d’un nouveau directeur général à la tête de la Compagnie des Alpes, dont fait partie le Parc Astérix, a impulsé une nouvelle dynamique en matière de prévention des risques professionnels. « Chez nous, cela a mené à la création d’un poste de responsable en santé et sécurité au travail (SST) car nous manquions d’expertise sur le sujet et il était nécessaire d’avoir une personne pour animer la SST sur le terrain », souligne Antoine Lardière.

Définir des priorités

À cette occasion, le document d’évaluation des risques professionnels (DUERP) a été actualisé et des axes d’actions prioritaires établis. Avec une difficulté de taille : la diversité des activités. « On retrouve presque tous les métiers présents dans une ville : l’hôtellerie, la restauration, l’accueil, la vente, des électriciens, mécaniciens, serruriers, menuisiers… Sans compter les comédiens et cascadeurs », détaille Pierre Emo, le responsable SST. Pour définir les priorités, le préventeur s’est basé sur l’accidentologie. « Deux secteurs sont ressortis : la maintenance, qui présente peu d’accidents, mais qui, lorsqu’ils se produisent, peuvent être graves, et l’hôtellerie-restauration où ils sont fréquents mais moins graves. »

Les techniciens disposent d’un escalier et d’une passerelle sécurisée pour accéder aux sièges. Ils peuvent se déplacer facilement sous la structure pour atteindre, debout, les pièces à vérifier.

Pour améliorer la prévention, l’entreprise peut compter sur l’accompagnement de la Carsat. « Concernant le secteur de l’hôtellerie-restauration par exemple, nous avançons ensemble sur leur projet de nouvel hôtel, pour intégrer la SST à toutes les étapes, de la conception du bâtiment à sa mise en service, en passant par le chantier de construction », relève Agnès Lheureux, contrôleuse de sécurité à la Carsat Hauts-de-France. Côté maintenance, le responsable SST a suivi les équipes pendant deux ans sur chaque attraction pour analyser les postes et mettre en place, si nécessaire, des mesures de prévention notamment des solutions techniques.

« Parmi les risques principaux, on a identifié les risques de chutes de hauteur, de glissade et ce qui a trait aux risques machines, résume Pierre Emo. Certaines attractions datent de l’ouverture du parc, en 1989, une époque où les fabricants prenaient peu en compte la sécurité des techniciens. Il a donc fallu ajouter des lignes de vie, des passerelles, des garde-corps… » L’organisation a également été revue pour réduire le risque associé au travail isolé. Tous les techniciens ont été munis d’une montre d’alerte, géolocalisée, pour pouvoir réagir en cas de malaise : si le dispositif ne détecte aucun mouvement pendant 1 minute 30, un signal autonome est envoyé au responsable d’équipe, puis au PC sécurité si celui-ci ne répond pas.

L’AMBITION ZÉRO ACCIDENT DE LA COMPAGNIE DES ALPES

8 domaines skiables, 13 parcs de loisirs – dont le Parc Astérix –, et de l’hébergement en montagne : la Compagnie des Alpes compte 10 000 salariés dont de nombreux saisonniers. Depuis 2021, une dynamique « Ambition zéro accident » a été lancée. Un comité de pilotage a été mis en place au niveau du groupe, et un référent santé et sécurité au travail national dans chaque « business unit » (correspondant aux trois activités). Charge ensuite aux préventeurs de terrain, au sein des structures, de relayer et d’animer la politique insufflée au niveau national. Des réunions sont organisées tous les mois environ, afin d’aller au-delà des analyses d’accident du travail et de presqu’accident, et de faire remonter les bonnes pratiques, grâce à des fiches Retex (retour d’expériences). « Même si en apparence nous ne faisons pas les mêmes métiers, il y a des sujets communs comme les cuisines, l’accueil, les produits chimiques... », remarque Isabelle Aba-Repellin, DRH du groupe.

Se posait néanmoins la question des techniciens opérant sur les attractions aquatiques. « Pour les situations présentant des risques de chutes dans l’eau, ces montres ne sont pas des solutions adaptées, pointe le responsable SST. Nous avons donc décidé que ce type de tâche se ferait en binôme. Cela a nécessité pour le responsable du service de revoir la répartition des techniciens et le schéma de maintenance. » Autre avancée : les contraintes liées à la maintenance sont désormais incluses dans les nouveaux projets. « Dans le cadre d’un plan de développement du parc, nous mettons régulièrement en service de nouveaux manèges, confie Antoine Lardière. Toutes ces observations et améliorations faites sur les modèles existants ont nourri notre réflexion. Dorénavant, les techniciens de maintenance sont mis à contribution pour échanger en amont avec les chefs de projet lors de la définition du cahier des charges. »

Respecter les zones rouges

Dans la salle de pause, la prise de poste de l’équipe du matin se fait autour d’un café. Le responsable, Filipe Da Costa, briefe les techniciens sur les dysfonctionnements repérés la veille et répartit les missions. Cap d’abord sur « La revanche des pirates », une attraction historique du parc, anciennement appelée « Le grand splash ». Un circuit aquatique de 600 m de long, au cours duquel les passagers sont acheminés à bord d’une embarcation au sommet d’un rocher artificiel de 30 m de hauteur avant d’expérimenter deux plongées rafraîchissantes.

Première précaution, à l’arrivée sur la zone, les techniciens passent un appel au haut-parleur. « À cette heure, il peut y avoir de la coactivité avec les agents des espaces verts. Cela permet de prévenir qu’une opération est en cours sur l’attraction », précise Filipe Da Costa. Les techniciens disposent d’une liste de points à contrôler sur chaque attraction. « La norme spécifique aux manèges impose plusieurs types de contrôles : journaliers, hebdomadaires et mensuels. Des contrôles annuels plus poussés des trains et des embarcations sont également réalisés. Ils nécessitent de les démonter entièrement et de les envoyer chez un prestataire spécialisé », complète Antoine Lardière.

Selon le nouveau plan de maintenance, le contrôle du manège aquatique se fait donc en duo. Chacun debout sur des caillebotis métalliques, posté de chaque côté de l’embarcation stationnée au pied de la pente, les techniciens vérifient le bon état des roues. « Auparavant, on faisait ça seul. Il y avait une passerelle seulement d’un côté, et il fallait monter dans l’embarcation, la traverser pour atteindre l’autre côté et se pencher pour inspecter les roues. C’était contraignant », remarque l’un des techniciens. Pour plus de sécurité, un second boîtier de maintenance a été installé à portée de main du deuxième technicien. « Le manège ne se remet en marche que si les opérateurs ont tous les deux actionné le bouton », précise Filipe Da Costa.

L'attraction « La trace du Hourra » datant de 2001, elle a subi récemment des modifications pour améliorer la sécurité des techniciens de maintenance, notamment avec l'installation d'une ligne de vie dans les zones en dévers.

Les neuf embarcations vérifiées, les hommes partent en direction de Toutatis, un roller coaster mis en service en 2023, dont le wagon est propulsé à 110 km/h par un lanceur électromagnétique. Sur le trajet, on aperçoit la Trace du Hourra, circuit de bobsleigh géant, datant de 2001, qu’une technicienne est en train d’arpenter, sécurisée par un harnais. « Des lignes de vie ont été aménagées récemment sur tous les tronçons en dévers pour limiter le risque de chutes de hauteur », rappelle Pierre Emo.

Comme d’autres attractions du parc, Toutatis présente des « zones rouges », dont l’accès fait l’objet d’une procédure particulière. « Pour que les techniciens fassent leurs vérifications, on ne peut pas couper l’électricité car les dispositifs à contrôler sur différents tronçons – stations de freinage, capteurs de détection des trains… – doivent être en marche. Le risque est donc qu’un wagon soit en mouvement et vienne percuter un opérateur. Ces zones à risque de collision sont les zones rouges », éclaire Antoine Lardière. Les techniciens amenés à y travailler ont reçu une formation spécifique.

LE VILLAGE GAULOIS EN CHIFFRES

2e parc d’attractions le plus visité de l’Hexagone, après Disneyland Paris.

36 ans d’existence.

2,8 millions de visiteurs en 2024

37 ha de parc et 29 ha de parkings

218 jours d’ouverture par an

450 salariés en CDI, 1300 équivalents temps plein en comptant les saisonniers

50 attractions (dont 7 aquatiques) et spectacles

3 hôtels (bientôt 4) soit 450 chambres n 20 points de vente souvenirs

36 points de restauration

12 loopings : 7 sur Goudurix, 5 sur Oziris

Avant d’accéder à la zone, ils doivent faire une demande d’autorisation via un boîtier placé à l’entrée. Ils y insèrent une clé qu’ils bloquent par un cadenas : tant que la clé est à sa place, les trains sont immobilisés. C’est justement la procédure que vient de réaliser un technicien. Sa mission du jour ? Changer le flash de l’appareil photo qui immortalise les visages effrayés ou hilares des utilisateurs de Toutatis. Pour ce faire, il doit longer le roller coaster sur 50 m en empruntant une passerelle sécurisée. Mais comment font les opérateurs chargés de vérifier les capteurs placés au plus haut de l’attraction, à 51 m d’altitude ? « Ces contrôles se font par drone et, en cas de problème, on fait intervenir un camion muni d’une nacelle », rassure Pierre Emo. En contrebas, un technicien, montre d’alerte au poignet, parcourt le terrain herbeux au pied de l’attraction pour s’assurer que les vis des poteaux sont bien serrées.

Pendant ce temps, les wagons de 20 passagers subissent leurs contrôles hebdomadaires : centrage, graissage, vérification des harnais de sécurité... Un système automatisé permet de déplacer le tronçon de rails sur lequel repose le train et de le transférer directement dans un atelier situé à quelques mètres de la gare de Toutatis. À l’intérieur, les techniciens disposent d’un escalier et d’une passerelle sécurisée pour accéder aux sièges. Ils peuvent se déplacer facilement sous la structure pour atteindre, debout, les pièces à vérifier. Là encore, le confort des salariés s’est amélioré avec le temps. « Dans les premiers ateliers, ils travaillaient dans des fosses », se remémore Antoine Lardière.

Ergonomie optimisée

9 h 30, les premiers visiteurs, clients des hôtels, profitent d’un parc quasi-vide, avant son ouverture officielle à 10 h. Il est encore temps de gagner le quartier égyptien pour découvrir Cétautomatix, la nouvelle attraction dédiée au forgeron de la BD, actuellement en test. « C’est un roller coaster familial : les visiteurs sont assis à quatre, face à face deux par deux, dans un wagon en rotation sur lui-même, et fileront à 45 km/h, avec une accélération à mi-parcours », présente Mathieu Gallus, le chef de projet. Celui-ci a impliqué les équipes de maintenance dans les discussions avec le concepteur.

Résultat, tous les capteurs de mouvement nécessitant des contrôles réguliers ont été placés de manière à être accessibles via des passerelles, caillebotis ou échelles sécurisées. Des boîtiers ont été disséminés à des endroits stratégiques pour permettre de se raccorder à l’électricité en sécurité grâce à une rallonge sur enrouleur. « Cela évite aux techniciens de transporter des batteries, justifie Mathieu Gallus. Les boîtiers disposent aussi d’une prise d’air comprimé pour utiliser une déboulonneuse. » Dans l’atelier aussi, l’ergonomie a été optimisée : les wagons de Cétautomatix tournant sur eux-mêmes, ils nécessitent deux hauteurs de maintenance, au niveau du châssis et du véhicule. Pour prendre en compte cette spécificité, une imposante table élévatrice a été mise en place. Elle permet, en plus, de s’adapter à la morphologie du technicien. « Auparavant, c’est l’homme qui devait s’adapter à la machine. Là, c’est l’inverse, ce qui va dans le sens des principes de prévention », résume Agnès Lheureux.

Bientôt, petits et grands, pourront profiter de ces 425 m de parcours, à 16 m de haut. En attendant, les derniers tests se font avec des mannequins remplis d’eau, sous le regard amusé des 14 000 visiteurs de la journée. 

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