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Usine d'amiante

Un chantier aux dimensions et aux spécificités inédites

L’ancienne usine de la Société minière d’amiante surplombe la route d’accès au Cap Corse, essentiellement sur la commune de Canari. Les principaux bâtiments industriels se dégradant, il a été décidé de mettre en sécurité le site, en les déconstruisant. Pas simple…

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Delphine Vaudoux - 03/11/2025
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Vue de l'ancienne carrière amiante de Canari en Corse.

Entre 1948 et 1965, 12 millions de tonnes de minerai ont été extraites de la carrière de Canari, en Haute-Corse, par la Société minière d’amiante (SMA). Ce qui en a fait le plus important site d’extraction d’amiante de France. Depuis la cessation de son activité, les 30 ha du site – dont 4 000 m2 de surface bâtie – sont à l’abandon. En 1998, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a été missionnée par l’État pour conduire des opérations de mise en sécurité. « Nous avons déjà réalisé des travaux de stabilisation entre 2009 et 2023, explique Pierre Vignaud, chef de projet sites et sols pollués à l’Ademe. Mais face au délabrement des bâtiments, de la toiture en particulier, et devant l’impossibilité de les consolider, il a été décidé de les déconstruire. »

Après deux années d’études préalables et le lancement d’une consultation, un groupement constitué de sept entreprises, avec comme mandataire Cardem, a remporté l’appel d’offres du chantier. Estimé à près de 7 millions d’euros, il devra respecter un calendrier très serré : les travaux devront se dérouler entre le 1er octobre 2025 et le 31 mai 2026. Les bâtiments étant en bordure de la seule voie d’accès au Cap Corse, la RT 80, il a été décidé de ne pas la couper, sauf pendant dix nuits, et de mettre en place une circulation alternée avec un dispositif de détection de véhicules.

Deux chantiers pilotes

Avant le début des travaux, de très nombreuses études ont été conduites afin de trouver la meilleure solution pour déconstruire les bâtiments sans émettre plus de 5 fibres d’amiante par litre d’air, en limite de site. « Et les contraintes sont nombreuses : la taille et la hauteur du bâtiment (76 m de long, 63 m de profondeur et jusqu’à 45 m de hauteur au faitage), sa position en bordure immédiate de RT 80, la pente particulièrement élevée (de l’ordre de 30 à 35°) et la présence d’amiante… C’est un projet inédit », précise Pierre Vignaud. L’inspection du travail et la Carsat Sud-Est ont été associées dès les premières réflexions relatives à la conception des opérations.

Dans un premier temps, tous les ouvrants donnant sur la route seront obturés pour limiter les émissions et projections de matériaux contenant de l’amiante. Puis il s’agira de faire tomber, à l’intérieur du bâtiment, la partie de la toiture accessible depuis la route, à l’aide d’une nacelle de 25 m. Dans un deuxième temps, la structure poteaux-poutres et le remplissage en agglo des bâtiments seront déconstruits, avec des pelles à bras long équipées de pince à béton. Les murs de soutènement,  en bon état, resteront en place et serviront d’appui stable pour maintenir les déchets en place. Pour parfaire les modes opératoires envisagés, deux chantiers pilotes interviendront sur des bâtiments annexes de l’usine : le local électrique et le concasseur. Situés à mi-hauteur du site, ils vont être déconstruits en premier, en novembre et décembre, servant ainsi de test grandeur nature. « Ils nous permettront de valider les modalités de protection vis-à-vis de l’empoussièrement à l’amiante », précise le chef de projet.

Arrosé en permanence

La prévention des risques professionnels – mais aussi environnementaux – est au coeur de ce chantier unique. Des accès seront créés pour permettre aux engins de pénétrer en sécurité sur ce site pentu et relativement instable. Deux zones seront clairement délimitées pour gérer le risque amiante : une zone rouge, susceptible d’être contaminée à l’amiante, et une zone verte exempte d’amiante. Les opérateurs entrant en zone rouge devront porter obligatoirement des EPI (vêtement à usage unique, gants de protection étanche, chaussures ou bottes, appareil de protection respiratoire – masque complet), et être formés pour intervenir dans un secteur susceptible de les exposer à l’amiante. Pour sortir de la zone rouge, située en amont de la RT 80, un échafaudage va être installé 6 mètres au-dessus de la route pour permettre aux opérateurs de quitter en toute sécurité le chantier et limiter les risques de collision avec des voitures. Cette passerelle débouchera sur la zone de décontamination, constituée de trois lignes de décontamination en parallèle, dans lesquelles les opérateurs pourront se décontaminer conformément aux protocoles en vigueur.

Pour limiter les émissions de fibres d’amiante, le chantier sera arrosé en permanence avec de l’eau douce. En fin de chantier, les éléments démolis seront recouverts de stériles. Depuis maintenant un an, plus de 510 mesures environnementales de fibres d’amiante ont été réalisées dans sept villages environnants et sur la RT 80 près du site. « La quasi-totalité de ces mesures (99 %) indiquent qu’il n’y a pas de fibres d’amiante dans l’air, remarque le chef de projet. Six mesures présentent des valeurs non nulles, entre 0,5 et 1 fb/l. L’objectif étant, pendant et après le chantier, de rester en permanence sous le seuil de 5 fb/l prévu par le Code de la santé publique. » Les résultats des mesures d’empoussièrement sont disponibles sur le site de la préfecture de Haute-Corse. En outre le groupement pratiquera ses propres prélèvements sur opérateurs et dans l’environnement. Afin de laisser une trace de la mémoire industrielle du site dans un territoire à très forte identité culturelle, une artiste a été sélectionnée afin de peindre une fresque sur le mur de soutènement. Affaire à suivre.

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