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Les chutes de hauteur

Le retour aux fondamentaux reste la meilleure protection

Les chutes de hauteur représentent un risque professionnel que l’on retrouve dans la plupart des secteurs d’activité. Elles sont même la deuxième cause d’accidents du travail mortels et constituent donc un enjeu de taille pour les entreprises. La mise en œuvre d’une démarche de prévention efficace contre ces dangers débute dès la phase de conception des locaux et postes de travail, et réside aussi dans les choix en matière d’équipements et d’organisation du travail.

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Damien Larroque, Corinne Soulay, Delphine Vaudoux - 07/12/2022
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Un salarié sur le faîte d'un toit.

Prendre de la hauteur permet généralement de mieux appréhender une situation, mais s’éloigner concrètement du sol peut exposer les salariés au risque de chute de hauteur. Selon les chiffres de la Cnam, ces chutes représentent une des premières causes d’accidents du travail mortels et sont responsables chaque année d’un très grand nombre d’arrêts de travail. Les chutes de hauteur constituent également un des principaux accidents à l’origine d’incapacités permanentes de travail. Une prévalence qui s’explique notamment par le fait que le risque de chute de hauteur est très répandu.

Bien sûr, cela concerne au premier chef les travailleurs du BTP amenés à monter sur les bâtiments en construction, les opérateurs de maintenance intervenant sur les machines et pylônes, les salariés nettoyant les vitres des immeubles… Bref, tous ces métiers qui donnent des sueurs froides à tout observateur souffrant un tant soit peu de vertige. Mais pas que : « Tomber d’un marchepied ou d’un tabouret entre également dans la catégorie des chutes de hauteur, explique François-Xavier Artarit, expert d’assistance conseil à l’INRS. Ce risque est donc susceptible d’être présent dans n’importe quel secteur d’activité. »

La prise de conscience des professionnels est cependant très variable. En effet, le danger que représentent des postes de travail installés à plusieurs mètres du sol est immédiatement perceptible alors que ceux que l’on atteint en gravissant quelques marches ou lors de tâches ponctuelles – comme récupérer des pièces sur des étagères – passent encore facilement sous les radars.

Plate-forme élévatrice dans l'entreprise Beccue

Comme toujours lorsqu’il s’agit de veiller aux conditions de travail des salariés, pour s’inscrire dans une démarche de prévention exemplaire, rien de tel que de revenir aux fondamentaux que sont les principes généraux de prévention. Au premier rang desquels : supprimer le risque. En employant un drone pour effectuer des missions d’inspection ou même bientôt pour nettoyer des façades d’immeubles plutôt que d’envoyer des travailleurs sur les édifices, par exemple. Si faire disparaître le risque n’est malheureusement pas toujours possible, s’interroger sur la manière d’y arriver reste primordial. Car même s’il n’est pas aisé de remettre en cause des méthodes de travail bien ancrées, porter un regard neuf sur ses pratiques peut être utile.

Privilégier le travail au sol

Ainsi, chez les charpentiers, l’assemblage des charpentes au sol avant de les lever et de les positionner à la grue gagne du terrain sur le montage traditionnel. Et ce, alors que nombre d’entre eux n’étaient au départ pas convaincus de la faisabilité de telles opérations. Autre exemple, les installations techniques permettant leur maintenance depuis le sol, à l’instar des mâts d’éclairage équipés d’une motorisation pour descendre des luminaires afin de remplacer des ampoules.

Quand la situation de travail en hauteur ne peut être évitée, l’évaluation des risques aux postes de travail doit permettre de les identifier et de les caractériser : hauteur du dénivelé, fréquence d’accès, temps d’intervention, adhérence de la surface d’évolution, présence de câbles, d’éléments mobiles… Il devient alors possible de mettre en place des équipements de protection collective appropriés. On préfèrera alors, sur un chantier de BTP, par exemple, mettre en place un garde-corps périphérique temporaire plutôt qu’un dispositif d’arrêt de chute comme un filet horizontal – tout en tenant compte de l’évolution de la technique. Le choix devra porter sur le matériel le plus adapté à l’opération envisagée. Il convient de s’assurer en particulier du respect des conditions d’emploi des équipements de travail. Ainsi, pour une intervention ponctuelle sur une zone accessible avec une nacelle, la mise en place d’un échafaudage ne sera pas forcément pertinente (lire à ce sujet la brochure Aide au choix d’un équipement de travail en hauteur. Travaux sur façade, INRS, ED 6195).

L’organisation du travail en jeu

Toujours selon les principes généraux de prévention, lorsque cela est possible, les mesures de protection collective doivent passer avant les individuelles – des garde-corps plutôt qu’un harnais et une ligne de vie, par exemple – et les installations permanentes sont privilégiées aux temporaires. Ainsi, la construction de plates-formes sécurisées fixes pour un accès régulier aux parties hautes d’une installation est préférable au recours à des modèles mobiles ou à de simples escabeaux ou échelles. Enfin, tout salarié exposé à un risque doit être formé et informé afin d’être capable d’utiliser correctement les équipements mis à sa disposition et de respecter les instructions.

REPÈRES

Énumérés dans le Code du travail (art. L. 4121-2), les neuf principes généraux de prévention régissent l’organisation de la prévention des risques professionnels. Il s’agit des mesures de base à adopter pour mettre en place une démarche efficace de protection de la santé et sécurité au travail et d’amélioration des conditions de travail :

  • éviter les risques,
  • évaluer les risques,
  • combattre les risques à la source,
  • adapter le travail à l’homme,
  • tenir compte de l’évolution de la technique,
  • remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins,
  • planifier la prévention,
  • donner la priorité aux mesures de protection collective,
  • donner les instructions appropriées aux salariés.

Bien entendu, la mise en œuvre de ces actions de prévention est d’autant plus efficace qu’elles sont anticipées dès la phase de conception des lieux et des postes de travail. Limiter la présence de dénivelés, anticiper l’espace nécessaire autour et au-dessus de machines pour installer des plates-formes fixes d’accès, positionner les moteurs de ventilation au sol plutôt que sur le toit, préférer de véritables escaliers avec paliers et rambardes à des escaliers-échelles pour atteindre des mezzanines… autant d’actions qu’il est plus aisé et moins onéreux de réaliser en amont.

« Que l’on prenne le taureau par les cornes dès la phase de conception ou qu’il s’agisse d’améliorer la situation existante, s’interroger sur l’organisation du travail est également important, complète François-Xavier Artarit. En effet, les risques de chute sont accrus par la fréquence de l’opération qui en est à l’origine. Par exemple, lorsqu’un salarié doit emprunter tout au long de sa journée de travail une volée de marches pour remplir sa mission, diminuer les allers-retours permet de réduire d’autant son exposition au risque de chute. » Pour y parvenir, les entreprises peuvent revoir l’organisation de leurs flux et investir dans des solutions techniques.

NE PAS OUBLIER LA MAINTENANCE LORS DE LA CONCEPTION

L’identification de toutes les situations de travail exposant les salariés aux risques de chutes de hauteur doit intervenir le plus en amont possible. Conduire cette démarche dès la conception des bâtiments, des équipements de travail, des postes de travail, des flux… est le meilleur moyen pour trouver des solutions efficaces. Cette démarche nécessite d’impliquer largement les acteurs (concepteurs de machine, maîtres d’ouvrage, utilisateurs des équipements…) pour aboutir à une solution satisfaisante. Elle engendre donc des délais de mise en œuvre importants. « La réflexion doit porter sur tous les postes de travail, y compris ceux qui concernent l’entretien et la maintenance. Elle doit également comprendre l’examen des conditions d’accès à ces postes, précise François-Xavier Artarit, expert d’assistance conseil à l’INRS. La réglementation prévoit de formaliser le résultat de la démarche en phase de conception des ouvrages dans le dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO) et plus particulièrement, pour les bâtiments destinés à recevoir des travailleurs, dans le dossier de maintenance des lieux de travail (DMLT), documents qu’il convient de consulter avant la réalisation de travaux de maintenance. »

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