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Les chutes de hauteur

Se former pour apprivoiser le travail sur les lignes électriques

Dans le Gard, l’entreprise EEE-Omexom-Nîmes forme ses salariés pour intervenir en sécurité sur les lignes électriques à haute tension du réseau national. Outre l’apprentissage des règles de bonnes pratiques du travail en hauteur, les stagiaires se familiarisent avec l’installation et l’utilisation de la ligne de vie quand les moyens de protection collective, les plates-formes élévatrices, ne sont pas adaptés au chantier.

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Damien Larroque - 07/12/2022
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Opérateurs de l'entreprise EEE-Omexom-Nîmes.

À Milhaud, dans le Gard, dominant les entrepôts du parc de matériel de l’entreprise EEE-Omexom, un pylône se découpe sur le bleu du ciel. Au milieu de la structure métallique, à une dizaine de mètres de hauteur, une silhouette oscille au bout d’une paire de cordes. Au-dessus du travailleur qui semble en fâcheuse posture, un collègue interpelle. « Alvaro ? Tu m’entends ? Ça va ? » Un « oui » peu assuré fait office de réponse. « Ne t’inquiète pas, je te descends », reprend le premier en actionnant un évacuateur à volant, le dispositif de secours qu’il vient d’installer. Alors qu’elle s’apprête à toucher le sol, la victime se redresse et atterrit tranquillement sur ses deux jambes. L’évacuation à laquelle nous venons d’assister est un exercice de la formation au travail en hauteur que suivent Alvaro Paniagua et Fabien Jandot, deux intérimaires qui viennent renforcer les équipes de EEE-Omexom.

Des interventions sur pylônes de plus en plus fréquentes

Cette dernière, fondée en 1970 sous l’appellation Entreprise d’Électricité et d’Équipement (EEE), a surfé sur l’installation de lignes à très haute tension liée au développement des centrales nucléaires. Alors que le marché marquait le pas, la tempête de 1999 a relancé l’entreprise en détériorant de nombreuses lignes et pylônes, nécessitant des réparations d’urgence ainsi qu’un vaste programme de renforcement. L’urbanisation a également participé à ce redémarrage : il faut démonter certains tronçons pour les reconstruire en contournement. En 2000, après plusieurs rachats, EEE devient filiale à 100 % du groupe Vinci au sein duquel ses actuels 240 salariés s’occupent de maintenance, de restructuration et d’amélioration du réseau électrique aérien.

INSTALLATIONS PÉDAGOGIQUES

Pour apprendre aux opérateurs à intervenir en sécurité sur le réseau électrique aérien de RTE, outre un pylône d’une quinzaine de mètres, les formateurs de EEE-Omexom-Nîmes peuvent compter sur deux autres installations pédagogiques : l’école des nœuds, pour réviser toutes les façons de lier des cordes, et une plate-forme mobile sur câbles pour enseigner le fonctionnement de ce matériel qui permet de se déplacer le long des câbles des lignes électriques.

Travailler sur un pylône haute tension de niveau B (HTB), c’est-à-dire supérieure à 50 kV, expose à de multiples risques. Électriques, bien sûr, mais aussi liés aux mouvements de masses ou de câbles, aux manutentions, aux outils, à la circulation routière… sans oublier les chutes de hauteur. « Pour intervenir sur ces installations, avoir recours à des échafaudages est rarement adapté. Quant aux plates-formes élévatrices mobiles de personnel (PEMP), utilisées tant que possible, elles ne sont pas mobilisables si le terrain est accidenté et sont dans l’incapacité d’atteindre certaines parties de l’édifice, comme les faces internes. La mise en œuvre de cordes et de dispositifs d’arrêt de chute est donc nécessaire », souligne Olivier Lapras, ingénieur sécurité et technique chez EEE-Omexom. Évoluer et travailler dans ces conditions particulières nécessite ainsi des équipements de protection adaptés, mais aussi une formation par une personne compétente.

En plus des obligations inscrites au Code du travail, les opérateurs doivent respecter les prescriptions émises par le donneur d’ordres, en particulier les règles d’installation et d’utilisation de la ligne de vie RTE, codifiées et améliorées progressivement depuis 30 ans. Après leur mise à jour en 2017, elles font actuellement l’objet d’une relecture à laquelle les prestataires de RTE, dont Omexom, sont associés et qui aboutira à une version révisée avant la fin de l’année 2022.

Ne rien omettre

« Tous nos collègues amenés à prendre de l’altitude, qu’ils soient salariés ou intérimaires comme Alvaro et Fabien, suivent donc une formation, théorique et pratique avec un contrôle des connaissances, dont l’objectif est de s’assurer qu’ils seront en capacité de respecter les prescriptions RTE, indique Olivier Lapras qui anime le stage du jour. En fonction de leur niveau, nous validons ou non leur aptitude à occuper les postes d’assureur au sol, de simple utilisateur ou d’installateur des lignes de vie. En comptant les sessions d’initiation et les recyclages annuels, nous formons entre 200 et 300 personnes par an. »  

Opérateurs de l'entreprise EEE-Omexom-Nîmes

Première leçon : bien qu’il existe un contrôle annuel de l’équipement tenant compte des limites d’utilisation définies par leur date de fabrication, une inspection visuelle est primordiale avant de se lancer à l’assaut d’un géant de fer. Longe antichute en Y avec absorbeur, longe de maintien, harnais, mousquetons aussi appelés connecteurs, antichute mobile sur corde… Tout est passé au peigne fin. « Pour grimper en sécurité, il ne faut rien omettre. C’est important de faire attention les uns aux autres pour pouvoir se prévenir en cas d’oubli ou d’erreur de manipulation », estime Fabien Jandot qui se prépare à assurer Olivier. En effet, si demain les apprenants installeront eux-mêmes la ligne de vie, en ce premier jour, c’est le formateur qui sera le premier de cordée.

OMEXOM, MARQUE DE VINCI

La branche énergie du groupe Vinci intervient, par le biais des entreprises de la marque Omexom, dans tous les métiers de la haute tension depuis la conception jusqu’à l’exploitation. Dans ce cadre, EEE-Omexom est pour sa part composée de quatre entreprises distinctes dédiées respectivement aux études de lignes haute tension de niveau B (HTB), à l’édification de lignes aériennes HTB, à la construction de lignes souterraines HTB et de fondations spéciales, et enfin à l’installation de lignes HTB à l’export.

Celui-ci se saisit de l’occasion pour vérifier que les stagiaires maîtrisent le nœud d’encordement utilisé pour ancrer la ligne de vie évolutive à l’attache sternale du harnais. Puis, au fur et à mesure de son ascension, il détaille la manœuvre et interroge : « Dans quel sens allez-vous positionner la flèche de votre dispositif antichute mobile sur corde ? Vers le haut, c’est bien ça. Combien d’espacement entre deux sangles sur la partie verticale ? Deux mètres maximum. Lorsque je passe à l’horizontal sur un bras du pylône, une sangle est-elle suffisante au niveau du changement de direction ? Non, il faut en installer deux, avec deux mousquetons, sur deux cornières différentes… »

Bien qu’ils connaissent en partie le métier, les deux stagiaires sont convaincus du bien-fondé de la politique de formation d’EEE-Omexom-Nîmes. « Avec le temps et les habitudes, la vigilance peut diminuer. Les piqûres de rappel sont loin d’être inutiles », avance Fabien Jandot. « Pour moi, affirme Alvaro Paniagua, c’est aussi primordial d’apprendre à utiliser correctement le matériel spécifique dont j’aurai à me servir sur les chantiers RTE. »

CHUTE D’OBJETS ET D’OUTILS

Les chutes de matériel depuis les hauteurs d’un pylône représentent un grave danger. En témoigne l’édifiante anecdote racontée par Olivier Lapras, ingénieur sécurité et technique chez EEE-Omexom. « Une perche isolante s’est décrochée de la ceinture d’un monteur. En chutant, elle s’est transformée en véritable javelot et a traversé un véhicule utilitaire garé à l’aplomb du pylône. On imagine la gravité si elle avait touché une personne… Pour éviter ce genre d’accident, EEE-Omexom remplace progressivement les connecteurs à vis, bien qu’ils soient valides aux yeux des normes de sécurité, par des modèles à double action à verrouillage automatique qui ne risquent ni d’être laissés ouverts par mégarde ni d’être déverrouillés par frottement. En outre, nous délimitons au pied du pylône une zone de danger dont l’accès n’est autorisé qu’après avoir obtenu le feu vert du chef de manœuvre, que celui-ci soit au sol ou en surplomb. »

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