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Les chutes de hauteur

Sécuriser les montées-descentes des cabines de camions

Les transports Désert, entreprise bretonne, a su capitaliser sur les résultats d’une étude sur les montées-descentes des cabines de camions à laquelle elle a participé en 2017. Elle a amélioré sa démarche de prévention des chutes de hauteur au poste de conducteur routier et a installé, dans la foulée, sur son site d’Étrelles, une nouvelle station de lavage améliorant la sécurité de ses équipes de nettoyage qui évoluent en hauteur.

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Damien Larroque - 07/12/2022
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Salarié de l'entreprise de transport Désert

Si les risques routiers sont particulièrement prégnants dans le transport de marchandises – ils sont responsables de la moitié des accidents du travail (AT) mortels du secteur –, les statistiques de la Cnam montrent que neuf AT sur dix surviennent à l’arrêt (statistiques 2019). « 22 % sont des chutes de hauteur. Elles représentent 27 % des AT les plus graves, assène Antoine De Lipowski, ingénieur-conseil à la Carsat Bretagne. Il est donc impératif pour les professionnels du secteur de se saisir du sujet. »

Pour les accompagner, la Caisse a publié en 2019, en collaboration avec l’AFT Transport et Logistique et l’Assurance maladie-risques professionnels, une brochure pour prévenir les chutes depuis les tracteurs et remorques. Ce document est issu d’une étude menée en 2017 auprès de quatre entreprises bretonnes, parmi lesquelles les transports Désert, dont les camions vert et blanc sillonnent la France pour acheminer des produits, majoritairement pulvérulents, à ses clients issus des industries de l’agroalimentaire, de la chimie, de la construction…

MOINS DE MONTÉES-DESCENTES, MOINS DE RISQUES

Sur le parking du site d’Étrelles des transports Désert, les citernes vides sont régulièrement déplacées pour être amenées au nettoyage ou garées. Un tracteur spécial permet de réduire le nombre de montées et descentes que ces déplacements nécessitent habituellement. « Ce véhicule me fait gagner en confort et en temps car je peux presque tout faire sans risquer la chute : amarrer la remorque en reculant, la détacher avec un bouton sans quitter le volant, brancher et débrancher les flexibles en empruntant la porte à l’arrière de la cabine…, se félicite Jacky Meignan, qui a été conducteur pendant 28 ans avant de prendre le poste de chef de parc il y a un an. Je ne descends qu’une fois de mon tracteur pour désactiver les freins de la remorque, leur réactivation étant automatique lors du décrochage. Et même là, la sécurité est optimale puisque les marches d’accès à la cabine sont identiques à celles d’un escalier. »

« Un ergonome de la Carsat Bretagne et la responsable prévention de l’AFT ont réalisé des observations sur le terrain et interrogé les conducteurs avec une attention particulière sur les montées-descentes aux abords des cabines, car la moitié des chutes de hauteur surviennent à ces occasions, explique Jean-Christophe Inizan, responsable qualité, santé, sécurité, environnement de l’entreprise. Cela a notamment permis d’améliorer les cahiers des charges des constructeurs en y intégrant des caractéristiques importantes pour la sécurité. » Ainsi, les marches d’accès à la cabine doivent posséder un revêtement adhérent, comme du métal cranté, et adopter une configuration en escalier plutôt qu’en échelle.

La mémoire du corps

Sont également préconisés le découpage du plancher qui facilite, pour la descente, l’accès à la première marche, et le positionnement de la dernière marche à moins de 50 cm du sol. « Puisqu’un angle plus réduit oblige à grimper de biais, les portes doivent pouvoir s’ouvrir à 90° », indique un conducteur en joignant le geste à la parole, dévoilant sur l’intérieur de l’ouvrant un autocollant qui rappelle les règles de l’art : avoir toujours trois points d’appui, monter et descendre face au véhicule, vérifier l’état du sol. Quant aux poignées, elles doivent être adhérentes, suffisamment longues et bien placées. Dans le cas contraire, elles imposent des positions peu naturelles et contraignantes qui ont un impact sur l’équilibre des chauffeurs.

« Les conducteurs des transports Désert sont titulaires de leurs tracteurs pendant les cinq ans de durée de vie de ceux-ci, ajoute Pierre-Yves Le Callonec, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne. La mémoire corporelle enregistre des informations comme l’écart entre les marches, et changer de véhicule régulièrement, parfois plusieurs fois par jour comme c’est le cas dans certaines entreprises, est source de danger. » Une réalité qui implique, comme le font les transports Désert, de former les conducteurs lorsqu’un nouveau modèle leur est confié.

Citerne dans l'entreprise de transport Désert

« S’interroger sur l’organisation du travail pour réduire la fréquence de montées-descentes et diminuer la précipitation est un autre levier dans la lutte contre les chutes de hauteur, affirme Émilie Boulin, ergonome et responsable prévention et santé et sécurité au travail à l’AFT. En résumé, pour une démarche efficace, il faut agir simultanément sur trois niveaux : l’organisation, la technique et l’humain. » Un cocktail efficace. La dernière chute de cabine au sein des transports Désert date de 2020 alors qu’il s’agissait autrefois de leur première cause d’AT.

Un succès qui a poussé l’entreprise à se pencher sur le lavage des citernes, qui expose lui aussi les salariés au risque de chute de hauteur. Depuis mars 2022, le site d’Étrelles, à côté de Rennes, est équipé d’une nouvelle station de lavage qui voit passer 50 remorques par jour dont la moitié appartient à des transporteurs extérieurs. La station accueille des citernes aux dimensions variées et la plate-forme d’accès à leur sommet est munie d’escaliers ajustables, contrairement à la précédente installation qui pouvait laisser apparaître un vide dangereux.

Une sinistralité divisée par deux

Pour rejoindre le sommet de la citerne et y introduire les têtes de lavage qui injectent produits de nettoyage puis eau de rinçage, les laveurs portent un harnais relié à une ligne de vie. En effet, si réglementairement le toit des citernes est équipé d’un garde-corps rétractable, cette protection est insuffisante puisqu’elle ne sécurise qu’un côté de la remorque.

Autre point : afin de respecter les normes du transport de produits alimentaires, les laveurs connectent en haut de la citerne une gaine de séchage qui envoie dans la citerne de l’air asséché. « Ce dispositif a nécessité quelques semaines de réglage avant d’être pleinement efficace. Mais aujourd’hui, nos salariés n’ont plus à pénétrer dans les citernes pour passer la raclette. Cela supprime les risques de chute que représentait cette tâche en milieu humide », se félicite Jean-Christophe Inizan.

« Le travail mené par les transports Désert contre les chutes de hauteur est représentatif de leur volonté d’amélioration des conditions de travail tous risques confondus, souligne Pierre-Yves Le Callonec. Des solutions pour limiter les postures contraignantes et le port de charge ont également été mises en place. Résultat de cette démarche volontaire, la sinistralité de l’entreprise est divisée par deux par rapport aux autres acteurs du secteur. »

FORMER POUR REMONTER

En 2013, une convention est signée entre la Cnam et l’AFT Transport et Logistique. Objectif ? Augmenter la part de la prévention dans les formations destinées aux transporteurs. En Bretagne, ce partenariat a débouché sur des formations sectorielles élaborées par l’INRS, la Carsat de la région, l’Institut pédagogique transport et logistique (rattaché à l’AFT), en impliquant aussi plusieurs acteurs du Comité régional de formation professionnelle du transport-logistique, animé par l’AFT. De son côté, l’INRS propose également des stages pour former des formateurs d’acteurs prévention secours dans le secteur du transport routier et logistique (réf. N183001) ainsi que des formateurs en prévention des risques professionnels pour les animateurs prévention et dirigeants d’entreprise du transport routier et logistique (réf. N18300).

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