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Le comité social et économique

Le dialogue social au service de la santé et la sécurité au travail

Regroupant l’ensemble des missions des anciennes instances représentatives du personnel, le comité social et économique (CSE) est doté notamment d’attributions et de moyens en matière de santé et de sécurité au travail. Pour un nombre croissant d’entreprises, le renouvellement des membres du comité après une première mandature est à l’ordre du jour.

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Grégory Brasseur - 03/04/2023
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Porte d'entrée d'un local CSE.

En 2023, de nombreuses entreprises vont renouveler leur comité social et économique (CSE). Un moment clé qui peut être l’opportunité d’une réflexion sur le fonctionnement de l’instance, en particulier sur les questions en lien avec la santé et la sécurité au travail. Instaurés par les ordonnances de 2017 modifiant en profondeur le droit du travail, les premiers CSE ont fait leur apparition en 2018.

Depuis le 1er janvier 2020, cette instance unique de représentation du personnel doit être présente dans toutes les entreprises d’au moins 11 salariés. Le CSE a ainsi remplacé la trilogie d’instances qu’étaient le comité d’entreprise (CE), le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel (DP). Il a parmi ses missions la protection de la santé, de la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise.

« Une idée derrière cette fusion était de pouvoir débattre au sein d’une instance unique de sujets pouvant être interdépendants et répondant à des enjeux de nature de plus en plus globale afin d’avancer plus vite, là où il pouvait auparavant y avoir des fonctionnements plus cloisonnés », explique Thomas Nivelet, juriste à l’INRS. Un objectif de rationalisation des relations professionnelles en entreprise qui a toutefois suscité des craintes. En termes, notamment, de réduction du nombre d’élus et de moyens.

Des attributions élargies

« Chez nous, l’instauration du CSE s’est traduite par la perte d’environ 50 % du nombre d’élus et des heures de délégation, témoigne Étienne Falconnet, informaticien, élu suppléant au CSE et représentant CFDT chez Renault Trucks à Vénissieux dans le Rhône. L’avantage de cette nouvelle transversalité, tout de même, est que chaque projet est regardé en même temps sous ses dimensions économique, organisationnelle et relative à la santé et la sécurité au travail. » Une opinion partagée par Alexandre Bourgon, directeur de Erdé, un fabricant de remorques : « Les projets discutés en CSE sont examinés dans leur globalité, ce qui permet d’être plus efficaces dans nos choix stratégiques. Le rôle des élus au CSE, qui sont au cœur des activités de travail est déterminant dans le dialogue social au quotidien »

Cette transversalité s’est d’ailleurs avérée pertinente lorsqu’au début de la crise sanitaire, il a fallu prendre des décisions rapides mais concertées, touchant à toutes les dimensions de l’entreprise, dans un moment d’incertitude et de tension. Étienne Falconnet est toutefois plus réservé concernant la charge de travail des élus : « On leur demande d’être compétents sur tous les sujets, une sorte de couteau suisse, et certains sont déjà épuisés. » En matière de santé et de sécurité au travail, les nouveaux élus doivent recevoir une formation initiale de cinq jours, quel que soit l’effectif de leur entreprise : une étape essentielle pour apprendre à repérer les situations de travail dangereuses. D’autant que l’état initial des connaissances et la « fibre prévention » ne sont pas les mêmes partout.

LES SALARIÉS ET LE CSE

64% des salariés estiment que le CSE est une instance importante pour eux. 73% déclarent connaître au moins un membre du CSE de leur entreprise. Du côté des représentants du personnel, 70% estiment que la proximité avec les salariés est un élément contribuant fortement au dialogue social, alors qu’ils ne sont que les directions évoquent en priorité le respect de la législation.
(Source : enquête sur l’état du dialogue social dans les entreprises réalisée par Ifop pour Syndex auprès de 1308 salariés, 917 représentants des salariés et 410 chefs d’entreprise et DRH,  interrogés par questionnaire auto-administré fin 2022).

Les élus du CSE doivent participer au processus d’établissement du document unique d’évaluation des risques professionnels. Ils peuvent aussi diligenter une enquête à la suite d’un accident du travail. « Les attributions du CSE en santé et sécurité au travail sont différentes selon l’effectif de l’entreprise et élargies dès que le seuil de 50 salariés est franchi, reprend Thomas Nivelet. C’est dans les entreprises d’au moins 50 salariés que l’on va notamment retrouver les notions de consultation et d’expertise. » À noter, sur ce dernier point, une nouveauté introduite par le législateur : si le CSE demande, par exemple, une expertise sur un projet important modifiant les conditions de travail, celle-ci, qui était jusqu’ici à la charge de l’employeur, doit désormais être cofinancée (80 % employeur, 20 % sur le budget du CSE), ce qui peut freiner les représentants du personnel dans l’exercice de leur droit.

Une commission dédiée, rattachée au CSE

Concernant la consultation, d’après un baromètre sur l’état du dialogue social publié par le cabinet d’expertise Syndex en janvier 2023, quatre représentants du personnel sur cinq estiment qu’il faudrait renforcer le poids des avis du CSE. « Même lorsqu’on a joué notre rôle d’alerte et émis un avis négatif, l’employeur peut poursuivre un projet. On a parfois le sentiment que c’est joué d’avance », regrette Virginie Gaillard, secrétaire du CSE de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) et déléguée syndicale SNB-CFE/CGC. Autre changement apparu : si les règles de mise en place et de fonctionnement de l’instance en charge de la prévention étaient, du temps des DP et des CHSCT, prévues par le Code du travail, des accords collectifs déterminent désormais une partie importante des prérogatives du CSE : des situations hétérogènes, issues de la négociation, peuvent donc émerger.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés et dans celles présentant des risques particuliers comme les installations nucléaires ou les sites classés Seveso, une commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit par ailleurs être mise en place. L’inspecteur du travail peut également l’imposer pour les entreprises de moins de 300 salariés, s’il l’estime nécessaire au regard de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement de ses locaux. Les partenaires sociaux aussi peuvent demander la constitution d’une CSSCT, par accord collectif par exemple.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Jean-Paul Domenc, élu au CSE dans une entreprise de restauration collective, en charge de formations santé sécurité pour l'Union départementale CGT de la Gironde

« Il y a un certain flou dans les attributions des missions de la CSSCT. En l’absence de précisions dans le cadre d’accords, certains élus arrivent en formation sans savoir véritablement quel va être leur périmètre d’action. On leur demande d’être compétents sur beaucoup de sujets, ils sont constamment en réunion et de moins en moins sur le terrain. À l’Union départementale CGT de la Gironde, nous proposons une formation de huit jours pendant lesquels je tiens à ce qu’ils rencontrent un médecin du travail, un inspecteur du travail, un contrôleur de la Carsat. Toutes les grandes conquêtes sur le plan de la santé et la sécurité au travail – je pense notamment à l’abandon de certains produits dangereux – se sont faites grâce aux sachants. Dès le départ, j’encourage les élus à aller à leur rencontre. »

Cette CSSCT se voit confier, par délégation du CSE, dont elle est une émanation, « tout ou partie des attributions du CSE relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail ». À l’exception du recours à un expert et des attributions consultatives du CSE. Elle peut par exemple prendre en charge l’analyse des risques professionnels, préparer les consultations en matière d’hygiène et de sécurité, étudier le programme de prévention des risques professionnels ou encore proposer des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes.

La CSSCT n’a pas la personnalité morale et dépend entièrement du CSE. « Il faut qu’elle soit un complément efficace au CSE, nous y avons particulièrement veillé lors de la négociation. Ses travaux permettent d’avancer sur les sujets qui remontent du terrain. Il ne s’agit pas de faire les mêmes réunions en CSE et en CSSCT », souligne Emmanuelle Le Boulanger, élue Force ouvrière et secrétaire du CSE de l’association Kervihan, qui gère plusieurs établissements d’accueil de polyhandicapés en Bretagne. « Chaque établissement est représenté au sein du CSE, avance Emmanuel Martineau, directeur de l’association. Cette représentativité issue de la négociation nous permet de mieux répondre aux préoccupations des salariés. »

En décembre 2021, un premier rapport d’évaluation des ordonnances soulignait l’« adaptation très progressive, et parfois difficile, des partenaires sociaux au nouveau cadre légal » et un « besoin d’accompagnement et de formation des acteurs ». « Il y a une concentration du dialogue social, mais des ordres du jour de réunions où se mêlent questions relatives à la santé et la sécurité au travail, attributions économiques et réclamations individuelles », décrypte Louise Peugny, associée au cabinet Voltaire avocats, spécialisé en droit social, qui a dressé en novembre 2022 un bilan mitigé de la première mandature des CSE.

L’enjeu de la proximité

Et ce n’est pas le seul défaut que pointe l’avocate : « On constate également une centralisation excessive des représentants du personnel avec un affaiblissement de la représentation de proximité et un éloignement du terrain. » Pour prévenir cette centralisation, le législateur a néanmoins prévu la possibilité de mettre en place des représentants de proximité, qui sont désignés par le CSE. Le dispositif est toutefois facultatif et de nombreuses entreprises n’en sont pas dotées.

Pour Jean-Paul Domenc, représentant CGT et élu au CSE dans une entreprise de restauration collective, « un CSE qui rayonne nationalement, ça n’a pas de sens. Dans notre cas, nous avons un périmètre étendu des Ardennes à Perpignan. Malgré l’existence de CSE d’établissement, qui n’ont pas les mêmes prérogatives – puisque tout remonte au central –, nous nous sommes éloignés du terrain. Beaucoup d’élus le déplorent et estiment qu’il devient plus compliqué de remplir leur mission et de contribuer à améliorer la santé et la sécurité au travail. Les grandes entreprises ont, à mon avis, beaucoup perdu avec la disparition des délégués du personnel, qui étaient en prise directe avec le terrain. »

Des salariés lors d'une réunion CSE.

Des solutions peuvent certes être trouvées dans le cadre d’accords. Mais puisque les accords fixent par exemple la mise en place, le nombre et le périmètre des CSSCT, il n’est pas rare que des entreprises dotées précédemment de plusieurs CHSCT n’aient prévu qu’une seule CSSCT. Autre constat, le rôle de chacun n’a pas toujours été bien compris et l’articulation des missions entre CSE, CSSCT et représentants de proximité n’est pas toujours claire. « Tout s’est mis en place très vite et la crise sanitaire a compliqué le travail de proximité, ajoute Étienne Falconnet. Entre la progression du télétravail et le développement du flex office, les visites de la CSSCT ne permettent pas toujours de voir tout le monde. Il a fallu s’adapter, multiplier le temps de disponibilité, réfléchir à de nouveaux canaux de communication. »

« Nous observons également du découragement du côté de certains élus, qui vont avoir des revendications que ce soit en termes de formation ou de moyens attribués, reprend Louise Peugny. Le renouvellement du CSE peut être le bon moment pour faire le bilan de la première mandature, en regardant ce qui a fonctionné ou pas. » Prévoir un point spécifique dédié à la bonne marche du CSE peut être utile pour remettre en débat certains sujets. En fonction du climat social dans l’entreprise, de la façon dont s’est tenue la négociation la première fois, mais aussi de sa bonne santé et de la conjoncture, la tâche est plus ou moins aisée.

« Il n’est écrit nulle part qu’il faut reproduire les mêmes choses à l’infini mandat après mandat, insiste Thomas Nivelet. La négociation peut permettre de reconstruire un dispositif plus opérationnel et plus fonctionnel. » À chacun de définir les priorités adaptées à son contexte : repenser le périmètre des CSE, redéfinir le nombre d’élus et d’heures de délégation, mieux articuler les missions entre CSE et CSSCT ou encore – pourquoi pas – envisager l’opportunité de la mise en place d’une nouvelle CSSCT ou de représentants de proximité…

REPÈRES

  • Le CSE comprend l’employeur et une délégation du personnel (titulaires et suppléants en nombre égal). Il est élu au maximum pour 4 ans avec, sauf cas particuliers, et notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés, un nombre de mandats limité à 3 pour un même représentant.
  • Dans les entreprises d’au moins 50 salariés comportant au moins deux établissements distincts, un CSE d’établissement dans chacun d’eux et un CSE central d’entreprise sont constitués.
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