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Le comité social et économique

Une approche collégiale des transformations

Arrivée début 2022, la nouvelle direction de l’entreprise Erdé, fabricant de remorques à Saulon-la-Chapelle, près de Dijon, veut faire de l’hygiène et de la sécurité au travail des préoccupations de premier plan. Elle mise en particulier sur la qualité du dialogue social et associe les élus du CSE à l’ensemble des projets.

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Grégory Brasseur - 03/04/2023
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Un salarié de l'entreprise travaille sur le nouveau banc de pliage à plat récemment acquit avec l'aide de la Carsat.

« Une entreprise, c’est avant tout une aventure humaine. » Au-delà du slogan, Alexandre Bourgon avait la conviction, en prenant la direction de l’entreprise Erdé en janvier 2022, de la nécessité de réviser la pyramide managériale dans les processus de gestion et de décision. Avec les élus du CSE, il n’envisage pas autre chose qu’un dialogue permanent et défend une « culture de la remontée » qui, selon lui, permet d’apporter des réponses adaptées à l’activité réelle. À Saulon-la-Chapelle, dans le département de la Côte-d’Or, Erdé a plus de 75 ans d’expérience dans la fabrication et la commercialisation de remorques de loisirs.

Implantée en plein cœur du village, l’entreprise s’est construite autour d’une histoire familiale. Lorsqu’il crée sa première remorque en 1947, le fondateur, Robert Devanne, veut un équipement pour aller à la chasse sans salir sa voiture. L’anecdote est rapportée par son fils Patrick Devanne, lui-même ancien directeur. Dans les années 1960, la production est devenue industrielle. Aujourd’hui, l’entreprise fabrique chaque année 20 000 à 25 000 remorques, vendues en France et à l’étranger, et emploie 61 personnes sur le site. La matière première est transformée par poinçonnage, pliage et découpe laser, puis les composants sont assemblés intégralement ou livrés en kit chez un distributeur. Un autre site d’assemblage, Erdé Expert, est basé à Longvic, à 10 kilomètres de Saulon-la-Chapelle.

« Il fallait faire entrer les ateliers dans le XXIe siècle et se projeter dans un environnement industriel en perpétuel mouvement », reprend Alexandre Bourgon. Il est intimement persuadé que la révolution numérique n’est pas là pour détruire les emplois, mais qu’une adaptation sera nécessaire pour « rester dans le coup ». En son temps, l’ancienne direction avait déjà amorcé le virage. C’est elle qui a choisi d’investir dans la première machine de découpe laser. Il faut poursuivre dans cette voie mais le diagnostic doit être partagé et s’appuyer sur les besoins des opérateurs : il ne s’agit pas de transformer pour transformer, mais de conjuguer modernisation et amélioration des conditions de travail.

Le PDG de l'entreprise, discute avec le responsable de la production devant la nouvelle machine de découpe laser.

Avec l’encadrement, les chefs d’équipes et les représentants du personnel, le nouveau directeur n’hésite pas à mettre sur la table la question d’une organisation qui peut, parfois, être défaillante et à réfléchir collectivement sur la façon d’y remédier. « Quand j’assiste aux réunions de CSE, les gens se disent les choses. Ce n’est pas comme ça partout, atteste Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. On s’aperçoit aussi, dans les analyses d’accidents du travail qui sont conduites avec les élus, que la question des causes est creusée bien en amont, en détaillant ce qui relève de l’organisation, des méthodes de travail… Il y a une réelle ouverture d’esprit. »

Concertation et satisfaction

Le CSE est intégré très tôt dans les projets. Il a son mot à dire sur tous les investissements. « Je le considère comme un relais entre la direction et les salariés, et il m’aide à avoir un retour objectif sur ce qui se passe réellement dans l’usine, de connaître les attentes mais aussi les idées qui émergent. Travailler ensemble permet également d’éviter de se tromper dans nos choix d’investissements, reprend le directeur. C’est aussi s’assurer d’une meilleure acceptation des décisions prises. »

La concertation a par exemple permis l’achat d’une plieuse, mise en service en début d’année, qui donne entière satisfaction. « Il faut s’imaginer à deux, en fin de journée, à manipuler les tôles pesant au moins 40 kg chacune. Au bout d’un moment, ça tire sur les épaules, nous décrit Christophe de Palma, membre du CSE. La plieuse m’a changé la vie. Avec sa table à coussin d’air, je peux travailler seul, sans forcer, tout en étant bien plus précis. »

UN NOUVEAU CAP

Erdé est une entreprise qui avance sans renier son passé. « Mes prédécesseurs ont fait beaucoup, sans quoi on ne serait pas là », nous confie le directeur. Pour autant, des choses acceptables à une époque ne le sont plus pour les générations suivantes. De nouvelles aspirations, les changements sociétaux que l’entreprise traverse sont de véritables sujets de dialogue social dont il faut se saisir. « Si l’on veut garder les gens et qu’ils restent performants, il faut tenir compte de leur équilibre physique et mental », poursuit-il. Devant la loi, il est de toute façon de la responsabilité de l’employeur de tout mettre en œuvre pour assurer la santé et la sécurité des salariés dans son entreprise. En faisant le choix d’aplatir la pyramide managériale, de donner plus de poids au CSE et aux idées des ateliers, fondées sur la compétence et l’expérience, l’entreprise a entamé sa mue. « On en voit les effets. Tout est plus ouvert. Il y a moins de conflits même entre les différents secteurs, montage ou usinage », témoigne un élu.

À côté de lui, Christophe Saillard, qui siège également au CSE, tient un discours similaire : « À force de travailler à la dure, on ne se rend plus trop compte. Mais les collègues qui ont 30 ou 40 ans de métier finissent par le sentir. Ce type d’investissement montre que l’on est entendu. » C’est désormais l’heure des premiers retours sur l’usage, avec des réflexions pour améliorer encore l’alimentation de la machine. « Le CSE regarde chaque sujet sous l’angle de la réduction des manutentions et des contraintes posturales : comment réduire le port de charges, éviter les troubles musculosquelettiques… Aujourd’hui, on ose même parler de bien-être au travail, constate Daniel Lesne, responsable production et secrétaire du CSE. Et l’impact est réel sur la productivité et la qualité du travail. » Florent Hyenne, délégué CGT, évoque pour sa part « des groupes de travail qui se succèdent sur tout ce qui nous concerne directement », avec des améliorations « bien visibles ».

« Embrasser chaque situation dans sa globalité »

Circulation, rangement, propreté, éclairage led : en quelques mois, l’usine est véritablement « sortie de l’ombre ». « Je travaille avec les chefs d’équipe sur les modes opératoires. Il y a une dynamique partagée et la même volonté de changement avec la direction. Ça peut prendre du temps de se défaire de certaines habitudes. Mais ce n’est qu’un début : s’il y a eu de belles avancées à l’usinage, il reste beaucoup à faire au montage et à l’emballage pour rationaliser les flux et réduire les manutentions », remarque le secrétaire du CSE. Un gros pavé qui nécessitera de se remettre tous autour de la table.

« Le passage au CSE incite chacun à ne plus compartimenter mais à embrasser chaque situation dans sa globalité et comprendre les incidences d’une décision sur le fonctionnement général de l’entreprise, note Alexandre Bourgon. Cela demande bien sûr des compétences et un effort de formation, mais les élus ont désormais tous une approche transversale des projets qui évite aussi les guerres de territoire. » Pour le dirigeant, ce serait une complète erreur de considérer que l’accident est forcément la faute du salarié. « Les hommes ne sont pas des machines. On peut avoir les plus beaux bâtiments et les meilleurs outils, si l’on néglige l’humain, on n’en fera strictement rien », conclut-il.

JOUER COLLECTIF

 J'ai pour habitude de respecter un ordre de priorités qui s'attache d'abord à la santé et la sécurité des salariés, ensuite à la qualité du produit, puis au respect du délai et enfin seulement aux notions de coût, décrit Alexandre Bourgon, le directeur de l'usine. Si l'on se tient à ça, il y aura de toute façon par ricochet des effets positifs à moyen comme à long terme sur les coûts et la compétitivité.  En arrivant à la tête de l'usine, il a souhaité travailler le dialogue social en s'appuyant sur les élus au CSE et les encadrants pour aller chercher les remontées du terrain. La Carsat, le service de prévention et de santé au travail ou même l'inspection du travail sont aussi des alliés.  Je les ai toujours considérés comme des partenaires dont l'expertise nous est très utile. Travailler en transparence avec eux crédibilise aussi nos actions auprès des instances représentatives du personnel , dit-il.

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