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Les acteurs de la prévention

Se coordonner pour prévenir le risque électrique

RTP France, fabricant de granulés plastiques, a été confronté à une série d’électrisations parmi ses salariés. Constatant que l’entreprise avait entamé une démarche d’amélioration, l’inspection du travail s’est coordonnée avec la Carsat Bourgogne-Franche-Comté pour faire avancer la prévention du risque électrique dans ses ateliers.

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Damien Larroque - 01/12/2023
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Un salarié de l'entreprise RTP en situation de travail.

Septembre 2022. Sandrine Trimbalet, inspectrice du travail, arrive en poste sur le secteur de Beaune, en Côte-d’Or. Une lettre de RTP France, site hexagonal d’un groupe américain spécialisé dans la production de granulés de plastique pour l’industrie, l’avertit d’un accident du travail (AT) dans ses ateliers. Alors qu’il manipulait le câble d’alimentation d’une machine de production, un salarié a subi un choc électrique lui occasionnant un jour d’arrêt de travail. « Ce n’est pas si souvent qu’une entreprise nous informe de son propre chef de ce genre d’événement, remarque l’inspectrice. J’ai compris la raison de cette transparence quand Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, m’a expliqué que la direction de l’usine était consciente du problème, qu’elle avait d’ores et déjà agi pour améliorer la prévention du risque électrique et qu’elle comptait bien poursuivre en ce sens. »

Pour l'entreprise, le déclic a eu lieu un an auparavant. Alors que RTP France a avancé sur d’autres sujets – comme le risque incendie en équipant les lignes mettant en œuvre des colorants inflammables avec un système de captage à la source humide –, deux électrisations consécutives en septembre et décembre 2021 ne laissent d’autre choix à Maryline Vannier que d’avoir recours à une mise en garde de l'entreprise à travers une procédure d'injonction. « Face à un risque présent au quotidien, ayant engendré des accidents du travail à répétition, c’est le bon outil, justifie la contrôleuse. Il contraint l’entreprise à agir dans un délai court, ce qui lui permet non seulement de prendre conscience de la gravité du problème, mais aussi de convaincre plus aisément toutes les parties prenantes, de la direction aux équipes, de la nécessité de trouver des solutions. »

MODULARITÉ ET BANALISATION

« Le cœur de notre activité consiste à fabriquer des granulés de plastiques dont les caractéristiques, comme la couleur, la résistance mécanique ou à la chaleur par exemple, sont stipulées par nos clients. Pour réaliser la multitude de recettes mises au point par notre service R&D, notre outil de production doit être modulable, explique Alain Ménégon, le responsable hygiène, sécurité et amélioration continue. Les différents éléments (mélangeur, extrudeur, bain de refroidissement, broyeur…) de notre vingtaine de lignes sont donc mobiles afin de pouvoir les associer en fonction des besoins. Les câbles d’alimentation sont régulièrement branchés et débranchés. La répétition de ces opérations a certainement participé à banaliser le risque électrique, entraînant plusieurs électrisations de nos salariés avant que nous redressions la barre avec le soutien de la Carsat Bourgogne-Franche-Comté et de l’inspection du travail. »

« J’étais très inquiète que cela finisse par un drame. J’étais décidée à remettre les choses dans l’ordre rapidement, confie Emmanuelle Riou, la directrice de l’usine. Avoir des dead-line nous a permis de rester concentrés sur notre objectif en suivant les requêtes stipulées dans l’injonction de la Carsat. » L’entreprise met en place un système d’identification des câbles, revoit la qualité et la régularité des formations au risque électrique de ses 110 salariés et met à jour les fiches de mise en service de machines.

Enquête sur des électrisations 

C’est donc en dépit de cette première salve corrective que l’AT de 2022 se produit et que Sandrine Trimbalet entre en scène. Elle mène son enquête, ausculte les équipements, étudie l’environnement de travail, consulte les certificats de formation et de compétence, épluche le relevé des horaires de travail… Ses conclusions rejoignent celles de Maryline Vannier et toutes deux se coordonnent. L’inspectrice demande la réalisation, par un organisme accrédité, du rapport de vérification qui relève les non-conformités de l’installation électrique afin de les corriger. « Pour ce faire, j’ai préféré passer par une lettre d’observation, le levier le moins contraignant à ma disposition, plutôt que de procéder à une mise en demeure qui n’aurait laissé que quinze jours à RTP pour saisir l’organisme accrédité et aurait majoré le coût de la vérification », souligne Sandrine Trimbalet.

Un salarié de l'entreprise RTP devant un tableau électrique.

En effet, en parallèle, Maryline Vannier met une deuxième injonction pour remédier au risque immédiat que représentent les câbles d’alimentation qui traînent un peu partout, sur un sol souvent mouillé à cause des bains qui servent à refroidir les joncs de plastique ensuite réduits en granulés. « Avec l’inspection du travail, nous sommes complémentaires. Mais pour que cela fonctionne, il est primordial que nous communiquions efficacement afin d’éviter les injonctions contradictoires ou d’exiger trop de choses en même temps », souligne la contrôleuse de sécurité. « Quand l’entreprise y met du sien, il faut parfois savoir laisser du temps au temps pour les améliorations les moins pressantes… tout en mettant tout en œuvre pour que la sécurité soit assurée en attendant », ajoute Sandrine Trimbalet.

Des échanges francs et directs avec l'inspection du travail

Et cela fonctionne. RTP France s’attaque au problème des câbles sans pour autant oublier la vérification de son installation électrique. « Pour prendre en compte la modularité de nos lignes, caractéristique primordiale de notre organisation, nous avons installé des blocs de prises suspendus un peu partout dans l’usine. Les câbles qui y sont branchés courent sur des supports, à la manière de poteaux électriques, fixés sur les différents éléments des lignes. Il reste ainsi possible de réorganiser la production en fonction des commandes, explique Alain Ménégon, le responsable hygiène, sécurité et amélioration continue. Quant à la remise aux normes de nos circuits électriques, elle s’est faite progressivement et va s’achever avant la fin de l’année. »

« Être accompagnés par deux acteurs de la prévention impliqués, raccords sur leurs consignes, francs et directs dans les échanges, c’est une chance. Cela nous a aidés à faire les choix les plus judicieux pour la sécurité de nos salariés », se félicite Emmanuelle Riou qui, convaincue de l’intérêt de s’appuyer sur des soutiens extérieurs en matière de prévention des risques, ajoute : « Nous nous sommes depuis rapprochés de la médecine du travail afin qu’elle nous aide dans la définition d’une démarche globale en mettant l'accent sur les risques psychosociaux. »

LES OUTILS DE L’INSPECTION DU TRAVAIL

Pour mener à bien sa mission qui consiste à veiller au respect du Code du travail, l’inspection du travail dispose de différents outils. Après une enquête à la suite d’un AT ou d’un contrôle inopiné, l’inspecteur du travail peut rédiger une lettre d’observation qui répertorie les points d’amélioration sans être coercitive, au contraire de la mise en demeure qui impose la mise en place d’actions dans undélai donné. Il peut également demander des vérifications formelles de la conformité des installations réalisées par des organismes accrédités ou imposer un arrêt de travaux en cas de danger grave et imminent. Si les entreprises ne répondent pas favorablement à ses demandes, l’inspection du travail sévit soit par le biais d’amendes administratives, soit en transmettant un procès-verbal au procureur qui décide de poursuivre, ou non, le contrevenant. Enfin la transaction pénale permet d’éviter les poursuites : en échange d’une amende, l’employeur reconnaît son infraction et s’engage à se mettre en conformité.

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