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Les acteurs de la prévention

Une collaboration pour réduire le risque chimique dans les couvoirs

Dans le cadre d’une campagne de mesures d’exposition au risque chimique dans quatre couvoirs du Maine-et-Loire, la MSA 49 et le laboratoire de chimie de la Carsat Pays de la Loire se sont associés pour mettre en commun leurs compétences. Une collaboration dont a bénéficié le couvoir de La Mésangère.

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Céline Ravallec - 01/12/2023
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Vue d'un espace de travail du couvoir de La Mésangère.

Les Mauges, région située entre Angers, Cholet et Nantes, dans le Maine-et-Loire, est historiquement une grande zone d’élevage de volailles. Elle compte de nombreux couvoirs, parmi lesquels le couvoir Orvia de la Mésangère, situé à Beaupréau-en-Mauges, et qui emploie 92 salariés. Ici naissent des canards mulards, issus du croisement de canards de Pékin et de canards de Barbarie. Après leur arrivée sur site, les œufs demeurent en incubation quatre semaines. Une fois éclos, ils sont livrés aux clients dans la journée qui suit. Afin d’éviter les contaminations par bactéries ou virus, des traitements chimiques sont nécessaires. Deux phases de nettoyage et désinfection exposent en particulier les salariés aux substances chimiques : une avant l’entrée des œufs au couvoir et une autre après leur éclosion.

La première désinfection à l’arrivée des œufs est réalisée dans une salle dédiée, avec un process automatisé. « Les produits sont diffusés par des buses, explique Anne-Sophie Pauvert, la responsable qualité, hygiène, sécurité, environnement (QHSE) du site de La Mésangère. Le cycle de désinfection dure deux heures : 25 minutes d’action des produits, puis un temps d’extraction de l’air de 1 h 30. » Personne n’est amené à entrer dans la zone durant ce laps de temps. L’autre grande phase de nettoyage et de désinfection intervient après l’éclosion des canetons. Tous les matins, les salles d’éclosion doivent être intégralement nettoyées. « On utilise deux produits : un désinfectant et un détergent, remarque Jean-Louis Hazard, le responsable nettoyage. Ça peut être trompeur car l’un sent fort mais ne présente aucun risque, tandis que l’autre ne sent rien mais est dangereux pour la santé. C’est pourquoi on s’équipe d’un masque à ventilation assistée lors des opérations de désinfestion. » Après cette intervention, personne ne doit entrer dans la salle pendant au minimum 20 minutes.

Un dialogue régulier entre la MSA et la Carsat

Malgré ces protocoles, des salariés travaillant au couvoir et à la maintenance s'étaient plaints. Cela semblait indiquer que les produits étaient encore actifs lorsque les opérateurs reprenaient leur poste ou qu’ils étaient amenés à intervenir en urgence sur des équipements dans des salles fraîchement désinfectées. C’est pourquoi la MSA 49 a lancé en 2020 une étude sur le sujet. « Nous cherchions à caractériser les expositions des salariés d’accouvage après un lavage et une désinfection, et à proposer des axes d’amélioration auprès de quatre entreprises », présente Carole Delaquèze, conseillère en prévention à la MSA Maine-et-Loire.

Pour mener à bien cette étude, la MSA s'est appuyé sur le laboratoire interrégional de chimie de l’Ouest (Lico), rattaché à la Carsat Pays de la Loire, afin qu'il réalise les mesures in situ. « Nous avions déjà travaillé ensemble sur le sujet des poussières avec des semenciers, relate Rodolphe Lebreton, ingénieur-conseil au Lico, et nous collaborons ponctuellement avec d’autres antennes de la MSA. Pour évaluer les risques lors de la désinfection des couvoirs, il fallait faire des prélèvements atmosphériques et surfaciques. » Dans ce cadre, 70 prélèvements atmosphériques et 40 prélèvements surfaciques ont été réalisés au premier semestre 2021 et analysés au Lico.

QUESTIONNAIRE DE SUIVI

En parallèle de la campagne de mesures menée conjointement par la MSA et le Lico a été réalisé par le service santé au travail de la MSA 49 un recueil de témoignages de salariés. Un questionnaire a été soumis par les infirmières du service aux effectifs des quatre entreprises impliquées dans l’étude, pour évaluer leurs perceptions des risques liés aux métiers, dans les couvoirs, dans les élevages, et pour les métiers de maintenance. « On abordait oralement le sujet lors des visites, et les salariés disaient globalement que tout allait bien, décrit Sylvie Bellanger, infirmière en santé au travail à la MSA 49. En soumettant un questionnaire sur le sujet, cela a fait remonter divers symptômes plus en détail qui n’étaient pas évoqués la plupart du temps. » Les symptômes mentionnés dans le cadre de ce questionnaire étaient : cutanés (démangeaisons, rougeurs, brûlures), oculaires (démangeaisons, gênes, larmoiement), respiratoires (toux, irritation) ainsi que des maux de tête et des vertiges.

Substituer les produits les plus agressifs 

Quatre familles de molécules ont été retrouvées en teneurs diverses, soit dans l’air, soit sur les surfaces. « Parmi les solutions adoptées pour réduire les expositions à ces substances, deux approches ont été retenues : inciter à la substitution des produits et ajuster les dosages d’une part, adapter les pratiques et les équipements d’autre part », poursuit Carole Delaquèze. Le glutaraldéhyde, qui pouvait déclencher des réactions cutanées malgré le port de gants en nitrile renforcé, a été remplacé par du DS685, produit à base d’amine. « L’amine présente un pouvoir désinfectant moins efficace que le glutaraldéhyde, commente Anthony Dubois, le responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) chez Orvia. Mais ce n’est pas grave, le plus important est un nettoyage efficace. »

Un salarié désinfecte une unité de ventilation.

« Dans les élevages ou au couvoir, l’hygiène et la sécurité font l’objet d’un échange permanent », complète Anne-Sophie Pauvert. Afin de doser au plus juste les substances, un dispositif à double entrée permet d’ajuster respectivement les dosages du désinfectant (autour de 1 %) et du détergent (autour de 3 %) dans les solutions. Avant, les dosages étaient plus approximatifs du fait d’une seule entrée pour les deux produits. Un système d’affichage est envisagé aux entrées des salles d’éclosion pour informer du nettoyage en cours et du temps à attendre avant de pouvoir à nouveau y accéder.

Ce travail collaboratif mené par les acteurs de la prévention rejaillit également au niveau de l’entreprise, dont la culture de prévention s’étoffe progressivement. Après un premier contrat de prévention en 2017-2018 ayant porté sur le port de charges et les produits chimiques, un deuxième est en cours, sur l’achat d’équipements et le déploiement de formations. L’entreprise se fait accompagner par un prestataire externe pour développer une démarche globale de prévention en interne. « L’objectif est que tout le monde comprenne que la sécurité est une affaire d’équipe, considère Anne-Sophie Pauvert, et à chaque niveau avoir une approche métier qui intègre la sécurité. »

L’entreprise travaille par ailleurs sur la polyvalence du personnel pour faciliter l’alternance aux postes, met sur pied des quarts d’heure sécurité qui doivent prochainement commencer. Un travail sur le long terme qui contribue à faire progresser chacun sur la sécurité dans son activité.

ZOOM

  • 4 entreprises ont fait l’objet de l’analyse des protocoles de désinfection et de nettoyage en accouvage dans le cadre de l’étude de la MSA Maine-et-Loire : Aviagen France, groupe Grimaud Frères Sélection, Hendrix Genetics Turkeys France SAS et Orvia.
     
  • 4 familles de molécules ont été recensées lors des prélèvements atmosphériques et surfaciques : ammoniums quaternaires dont le DDAC (chlorure de didécyl diméthylammonium), amines, péroxydes et aldéhydes (dont glutaraldéhydes). Les DDAC n’étaient pas présents dans l’air et peu sur les surfaces ; les amines quasiment pas dans l’air et très peu sur les surfaces ; les péroxydes très volatils étaient très présents dans l’air et les aldéhydes étaient présents dans l’air et systématiquement sur les surfaces.
     
  • 4 salles d’incubation et 18 éclosoirs sont présents au couvoir de la Mésangère. Chaque semaine y ont lieu 4 éclosions. Cela représente en moyenne une production de 90 000 mâles par semaine.
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