C’est au cœur de la plaine bressane, en passant par hasard devant un chantier de charpente, que Pierre-Alban Doucet, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes, est pour la première fois entré en contact avec l’entreprise Lignotoit. « Mon œil a été attiré par l’installation d’échafaudage avec protection périphérique complète et recette à matériaux intégrée. Ils utilisaient également une grue auxiliaire sur le camion », se remémore-t-il. La structure est spécialisée dans la construction ossature bois, couverture, zinguerie, étanchéité. L’entreprise conçoit, fabrique et pose des structures en bois dans le cadre de constructions neuves ou de rénovation autour de Grièges, dans l’Ain, où elle est établie.
Ce jour-là, le contrôleur de sécurité rencontre Thibaut Gaillard, co-gérant de la TPE. Ils évoquent des chantiers où le risque de chute de hauteur est prédominant et où les opérateurs sont également confrontés à des risques de chutes de plain-pied, de chutes d’objets, à la manutention quotidienne de charges lourdes, au travail en extérieur ou encore à la coactivité. « L’entreprise avait conscience de la nécessité d’appréhender ces risques de façon globale », reprend Pierre-Alban Doucet, qui lui présente les possibilités d’aides financières pour accompagner des actions de prévention. Quelques années plus tard, en 2023, alors que Lignotoit envisage d’agrandir son atelier, un contrat de prévention prévoyant des investissements d’aide à la manutention, des installations de stockage, l’aspiration des poussières de bois ou encore la formation sera signé.
Faciliter les chantiers
En juillet dernier, une équipe de Lignotoit intervient à Saint-Trivier-sur-Moignans, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Mâcon. Mission : rénover l’espace Jean-Vial, salle des fêtes et gymnase. « On a enlevé les anciennes tuiles, posé des panneaux sandwich pour améliorer la qualité thermique et on remet des bacs acier de 13 mètres de long pour l’ajout de panneaux solaires en toiture », explique Tanguy Lenoir, charpentier-chef d’équipe. La star du chantier, c’est elle : la grue à montage automatisé, acquise grâce au contrat de prévention. « Rapide à installer, électrique et silencieuse, sans consommer de carburant, ça change tout », poursuit le professionnel. « Fini le bruit généré par la grue auxiliaire à bras articulé sur le camion », confirme Timéo Bausier, apprenti.
EN BREF...

© Gaël Kerbaol/INRS/2025
Créée en 2018 à Grièges, Lignotoit fait de la construction ossature bois, couverture, zinguerie, étanchéité en neuf ou rénovation. L’essentiel du bois utilisé est issu de forêts locales (moins de 150 km) à gestion durable. L’entreprise, devenue un acteur local incontournable de la construction bois, connaît une croissance continue. Il y a deux ans, elle a construit jusqu’à 25 maisons ossature bois. En 2025, Lignotoit a inauguré l’extension de son atelier de Grièges. Cet espace de 360 m2, doté d’importants moyens de levage et d’un système d’aspiration centralisé des poussières de bois, est réservé à la préparation des éléments pour réduire les contraintes sur les chantiers. La construction d’une maison ossature bois représente environ une semaine d’assemblage en atelier, pour moins d’une journée de levage sur chantier.
Les travaux consistent à couvrir 2 400 m2. Un plan de toiture a été réalisé et la grue, avec ses 22 mètres de flèches à l’horizontal, déplacée quatre fois : nous sommes sur la dernière tranche. « Il faut une demi-journée pour démonter et déplacer la grue, mais on réduit considérablement la pénibilité avec un meilleur rendement », assure Valentin Debourg, qui a été formé à l’utilisation de l’engin. Pour ce chantier, il aura juste fallu créer une rampe d’accès pour acheminer la grue sur l’un des côtés du bâtiment. Afin de sécuriser les accès en hauteur autour de l’édifice, la pose de l’échafaudage a été sous-traitée à une entreprise extérieure. « Ils ont tenu compte de la parabole de chute et prévu une rehausse des garde-corps », précise Pierre-Alban Doucet. Autre point clé : dans toute la salle intérieure, des filets de protection en sous-face ont été installés. « Ça rassure », commente un charpentier. « Mieux que ça : ça protège ! », rectifie le contrôleur de sécurité.
« On passe de chantiers d’ossature bois en neuf à de la couverture en rénovation, avec en commun des manutentions de charges et des interventions en hauteur, reprend Thibaut Gaillard. Ici, la coactivité n’intervient qu’à la toute fin, avec l’entreprise qui pose les panneaux photovoltaïques. Mais parfois, les plannings sont tellement serrés que ça devient une véritable fourmilière. » Une bonne organisation permet de mieux maîtriser l’environnement mais aussi de répondre à de nouveaux défis et de continuer à grandir : en sept ans l’entreprise est passée de deux à quinze salariés.
Un atelier équipé
À quelques kilomètres de là, au nord : Grièges. L’atelier, avec sa nouvelle extension, a été inauguré en juin de cette année. « Un pont roulant d’une capacité de deux tonnes permet de lever un mur, une fois assemblé. Tout est sanglé. Avec l’élévateur, il y avait toujours un risque de basculement », estime Thibaut Gaillard. Un élévateur multidirectionnel permet quant à lui de rentrer dans le bâtiment des barres en contre-collé de 13 mètres de long. Dans le cadre du contrat de prévention, une étude a été réalisée pour le dimensionnement et la réalisation d’un système d’aspiration centralisé des poussières de bois. Toupie, raboteuse, scie à panneaux, ruban, scie radiale…
Sur toutes les machines fixes, l’air est aspiré à la source et renvoyé à l’extérieur dans un filtre à écluse certifié Atex. « On a également un aspirateur mobile asservi au fonctionnement des machines portatives », ajoute Patrick Douvre, tout en raccordant sa scie circulaire. Le charpentier – qui sera bientôt le premier retraité de l’entreprise – connaît aujourd’hui des conditions de travail qui permettent « de ne plus forcer ». Dans la cour, des racks de stockage ont été installés à l’abri, afin de supprimer les empilements de charges de bois. Les voies d’accès, claires et dégagées, sont empruntées sans risque par les engins. L’atelier comprend également une mezzanine, sur la moitié de la surface, où a été installé l’atelier de zinguerie avec plieuse et guillotine.
« L’aménagement des espaces est pensé pour pouvoir réaliser un maximum de travaux à l’abri, préfabriquer sans être soumis aux conditions extérieures et livrer les produits finis sur chantier », remarque Thibaut Gaillard. Bureaux, vestiaires, espaces collectifs pour se retrouver le matin ont été aménagés… en mettant le bois à l’honneur. La suite ? Continuer dans la réduction des manutentions. Une réflexion a, par exemple, été menée pour éviter d’avoir à charger les murs un par un dans le camion. Elle aboutira à la mise à disposition de grands plateaux à racks où seront rangés les murs préfabriqués dans l’atelier. Levés en une fois, ils seront chargés sur les camions pour la livraison des chantiers.
POINTS FORTS
- Dans l’atelier :
• mise en place d’un pont roulant pour réduire les risques liés aux manutentions lors de la construction des murs ossature bois ;
• conception de racks de stockage à l’abri ;
• étude et réalisation d’un système d’aspiration centralisée avec raccordement des machines à bois.
- Sur les chantiers :
• utilisation d’une grue à montage automatisée pour le levage et la distribution des matériaux ;
• pose d’échafaudage périphérique avec protection par garde-corps ;
• pose de filets de sécurité en sous face pour réduire les chutes de hauteur.
S’ajoutent les formations de sauveteur secouriste du travail et Caces pour le personnel amené à utiliser les appareils de levage. « L’objectif est d’être dans le vrai, le concret, en explorant les solutions proposées par les fabricants ou rendues possibles par les nouvelles technologies », conclut Thibaut Gaillard, co-gérant de l’entreprise.