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Construction et fabrication dans la filière bois

Un nouveau souffle après le feu

Victime d’un incendie qui a dévasté son atelier de production, l’entreprise de fabrication de charpentes et ossatures bois AMC a reconstruit en un an son local. L’aménagement de l’espace a pris en compte les différents risques liés à l’activité, à commencer par le risque incendie-explosion.

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Céline Ravallec - 28/10/2025
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Vue d'une situation de travail dans l'entreprise AMC.

6 décembre 2019. Cette date restera à jamais gravée dans la mémoire de Franck Faure-Brac, dirigeant de l’entreprise AMC. Ce matin-là, il va assister, impuissant, à la destruction par un incendie de la société qu’il dirige, basée à Saint-Crépin, dans les Hautes-Alpes. En à peine une demi-heure, tout l’atelier est détruit, le matériel et les outils de travail sont perdus. Heureusement, aucune victime n’est à déplorer, les locaux administratifs et la zone de stockage du bois sont épargnés grâce aux pompiers de Guillestre, mais toute la partie production est à reconstruire. Un an plus tard, quasiment jour pour jour, le 11 décembre 2020, l’activité redémarre sur le même site, dans un atelier de 1 650 m2 entièrement neuf et doté de machines de dernière génération. Entre les deux, des réflexions et des échanges avec la Carsat Sud-Est ont permis d’aboutir à un nouvel atelier adapté aux besoins de l’activité.

ENTRAIDE ENTRE ENTREPRISES DE LA RÉGION

Bien que privée de son outil de production durant toute l’année 2020, la menuiserie AMC a pu poursuivre son activité grâce à la solidarité locale des autres entreprises du secteur. « L’année qui a suivi l’incendie, nous avons paradoxalement connu notre meilleur chiffre d’affaires, grâce à nos confrères », relate Franck Faure-Brac, le dirigeant de l’entreprise. L’équipe a en effet pu bénéficier de ses confrères et amis de longue date dans les Hautes-Alpes, qui ont mis à disposition leur matériel de taille de charpentes et de murs ossature bois, pour répondre aux commandes et continuer à produire. L’activité a donc pu être maintenue en parallèle du projet de reconstruction de l’atelier. L’entreprise présente la spécificité de travailler des essences locales, comme le sapin et le mélèze, présentes dans les Hautes-Alpes et pour la plupart certifiées « Bois des Alpes ».

L’entreprise AMC est spécialisée dans la fabrication et la pose de charpentes, de couvertures et la construction ossature bois. Comptant une quarantaine de salariés, elle intervient sur les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le bois est donc la matière première que ses salariés travaillent, usinent, modèlent, assemblent. La conception du nouvel atelier a pris en compte les contraintes rencontrées dans la précédente configuration, et également en premier lieu ce qui a été à l’origine de l’incendie.

Un silo extérieur

Le feu était parti du silo de stockage des copeaux, alimentant la chaufferie, tous deux installés à l’intérieur de l’atelier. En cause : la fermentation de copeaux de mélèze, bois vert avec un taux d’humidité d’environ 80 %, au milieu de copeaux d’autres essences, beaucoup plus secs (taux d’humidité de 12 %). Une hausse progressive de la température, liée à la fermentation, a abouti à l’ignition des copeaux secs. Les copeaux alimentaient la chaudière grâce à une vis sans fin. Une fois le feu démarré, l’incendie s’est rapidement propagé à toute l’installation, puis au bâtiment, par cette voie.

Première décision à la conception : installer à l’extérieur de l’atelier le silo de stockage des copeaux de bois et la chaufferie. C’est ainsi qu’aujourd’hui un silo de 600 m3 domine le site, à distance des autres bâtiments qui hébergent les locaux administratifs, l’atelier et le bâtiment de stockage du bois. Pour la conception du nouvel espace de travail, la Carsat Sud-Est est intervenue, sous la forme d’un accompagnement technique et d’une aide financière à travers un contrat de prévention. « Nous avons rédigé une note d’opportunité pour aider l’entreprise au-delà du plafond des contrats de prévention classiques de 50 000 € », se remémore Céline Folcher-Herteleer, contrôleuse de sécurité à la Caisse régionale.

Vue d'une situation de travail dans l'entreprise AMC.

Parmi les divers sujets pris en compte dans la conception du nouvel atelier : la disposition des machines pour suivre une marche en avant, l’intégration du système d’aspiration au bâtiment et les principaux points clés à prendre en compte pour aboutir à une conception réussie. « Les différents interlocuteurs ont été réceptifs à nos demandes, afin de répondre aux attentes du projet, que ce soit pour le bon fonctionnement de l’atelier et pour les conditions de travail des salariés », apprécie encore Céline Folcher-Herteleer.

Par exemple, l’ancien atelier était doté d’aérothermes. « Or ces systèmes ajoutent de la poussière en suspension dans les ateliers, ce qui est en totale opposition avec la prévention du risque atmosphere explosive (Atex), poursuit-elle. C’est pourquoi nous avons orienté l’entreprise vers un plancher chauffant, associé à une VMC double flux qui permet la récupération de calories. » Un impressionnant réseau de gaines métalliques, auquel sont raccordées toutes les machines, court ainsi au plafond de l’atelier baigné de lumière naturelle, évacuant dans un sens les copeaux de bois vers le silo de stockage et acheminant dans l’autre – en partie supérieure du plafond – l’air chaud provenant de la récupération des calories de la VMC double flux.

Réussir la conception et l'équipement

« Nous privilégions aujourd’hui la préfabrication, cela permet à nos équipes sur le terrain de gagner du temps de pose, et aussi de leur procurer plus de sécurité », commente Franck Faure-Brac. Mais les risques ne doivent pas se reporter sur la phase de préfabrication en atelier, d’où l’attention portée à l’aménagement de l’espace en tenant compte du flux de production. À l’entrée de l’atelier sont disposées plusieurs machines d’usinage. La « Rolls » du parc machine est un centre d’usinage six axes, piloté par Romuald Faure-Gignoux, le chef d’atelier qui supervise l'activité.

Démonstration à l’appui, il en explique le fonctionnement : il alimente le robot en barres de bois de 13 mètres de long et lance le programme établi par le bureau d’études interne. La machine effectue tous les usinages des futures pièces, change d’outillage selon les opérations à réaliser et des dimensions attendues. Une approche qui transforme le métier de charpentier. Vient ensuite dans la deuxième partie du bâtiment la table d’assemblage, installée à hauteur d’homme. Elle permet de préparer les murs préfabriqués, isolés et recouverts de bardage bois. « C’est beaucoup mieux aujourd’hui, même si on était déjà bien lotis avant, commente Clément Ponce, responsable de la préfabrication. Avec ces tables à hauteur, notre confort de travail s’en trouve amélioré. »

Les deux extrémités du bâtiment sont dotées de portes sectionnelles motorisées. Un bardage acoustique a été posé sur les murs et le plafond de l’atelier pour limiter les nuisances sonores. Une cabine d’aspersion pour traiter le bois après usinage, hydrofuge, insecticide, anti-termites, a également été acquise, en remplacement d’un ancien bain. Fort de cette expérience concluante et des enseignements tirés, le dirigeant planche désormais sur un projet de conception d’une nouvelle usine, dont l’ouverture est prévue courant 2027.

UNE AFFAIRE QUI PROSPÈRE

Créée le 5 janvier 1967, l’entreprise nommée à l’époque CCD (Charpente couverture Domény) a été rachetée en 1995 par l’actuel dirigeant Franck Faure-Brac. Initialement dédiée à la construction de charpentes bois, l’activité a été élargie depuis une quinzaine d’années à la construction bois, notamment avec les murs en ossature bois. C’est en 2004 qu’elle prend son nom actuel d’AMC, pour Alpes Méditerranée Charpente. Elle emploie aujourd’hui une petite quarantaine de salariés : un bureau d’études qui compte une dizaine d’ingénieurs, deux conducteurs de travaux, un directeur commercial, trois administrateurs, une personne à la machine robot, deux à la préfabrication, une dizaine de chefs d’équipe sur le terrain. Franck Faure-Brac qui était le seul actionnaire de l’entreprise, a depuis décembre 2024, trois associés, qui sont ses trois enfants, dont deux ont rejoint l’entreprise. Son chiffre d’affaires annuel avoisine les 8 millions d’euros HT.

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