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Agir après un accident du travail

Objectif : plus jamais ça

Comprendre ce qu’il s’est passé pour agir et faire en sorte que ça ne se reproduise pas. L’analyse d’un accident du travail, pour en déterminer les causes profondes, est une étape clé pour la prévention. Elle permet de faire ressortir certains dysfonctionnements ou manquements et d’y apporter une réponse adaptée. Sans oublier une mise à jour de l’évaluation des risques professionnels et donc du document unique.

5 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 29/08/2023
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Illustration d'un ouvrier sur un chantier BTP.

Un ouvrier qui chute d’un échafaudage, un technicien de maintenance dont le bras est entraîné dans le mécanisme d’une machine, une auxiliaire de vie sociale victime d’une agression… Les accidents du travail (AT) n’épargnent personne et peuvent être révélateurs de dysfonctionnements profonds, qu’ils soient d’ordre organisationnel ou technique. En 2021, l’Assurance maladie-risques professionnels a dénombré 604 565 AT chez les salariés du régime général, soit une baisse de 7,8 % par rapport à 2019 - l’année 2020, marquée par un recours massif au télétravail et au chômage partiel, ne peut être prise en référence. C’est évidemment encore trop. En France, un AT sur deux est lié aux manutentions manuelles, un tiers aux chutes de plain-pied (17 %) ou de hauteur (12 %), et 9 % à l’utilisation d’outillage à main.

La même année, l’Assurance maladie a comptabilisé 645 décès liés au travail, dont 56 % consécutifs à un « malaise » et 12 % dans le cadre d’un accident de la route en mission. Le phénomène est d’ampleur et, comme le rappelle Matthieu Lépine, auteur de L’Hécatombe invisible, Enquête sur les morts au travail (éditions Seuil), qui recense quotidiennement les accidents du travail mortels sur un compte X (ex-Twitter) dédié, il n’existe aucune statistique globale intégrant les salariés du monde agricole, les indépendants, les travailleurs détachés et ceux de la fonction publique.

Pour la première fois, un Plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels a été lancé pour la période 2022-2025. Coconstruit par l’État, les partenaires sociaux, la Sécurité sociale et les organismes de prévention, il fixe une feuille de route, avec des actions ciblant les publics les plus exposés (jeunes, nouveaux embauchés, intérimaires, travailleurs indépendants ou détachés…), les TPE/PME – disposant souvent de peu de ressources consacrées à la prévention –, ainsi que certains risques tels que le risque routier, les chutes de hauteur ou encore les risques liés à l’utilisation de certaines machines. Si la durée moyenne d’un arrêt après un AT est de 58 jours, elle passe à 73 jours dans le cas d’une chute et 83 jours spécifiquement pour les chutes de hauteur, minoritaires en nombre mais fréquentes dans les secteurs du transport et de la construction notamment.

Ne pas tarder pour réagir

Les entreprises rencontrées pour ce dossier, quand elles ont vécu un accident grave, évoquent toutes un traumatisme collectif. Dans ces moments de choc, il est pourtant impératif d’agir. L’analyse des accidents du travail est indispensable pour en identifier les causes, toujours multiples, et mettre en place des actions correctives. « Un AT est un événement qui survient par le fait ou à l’occasion du travail et qui conduit à des atteintes à la santé physique ou mentale, synthétise Julie Dréano, responsable d’études à l’INRS. Pour éviter qu’un autre accident ayant les mêmes causes et peut-être des conséquences encore plus graves ne se produise, il faut prendre le temps de s’interroger collectivement sur ce qu’il s’est passé, de mieux comprendre le travail réel sans interprétation ni recherche de responsabilité, et d’en tirer les enseignements pour améliorer le fonctionnement de l’entreprise. »

La démarche d’analyse d’un AT - obligatoire dans le cas d’un AT grave ou répété (même poste, même fonction) - est de la responsabilité de l’employeur et fait également partie des missions du CSE, pour les entreprises qui en sont dotées. Pour mener à bien cette analyse, il est conseillé de la décomposer en sept étapes une fois l’employeur informé : la déclaration de l’AT ; la constitution d’un groupe d’analyse ; le recueil d’informations sur l’accident et l’identification des faits ; la détermination des causes ; le choix des actions correctives et la formalisation d’un plan d’action ; le retour d’expérience et la communication ; et, enfin, le suivi et l’évaluation des actions mises en œuvre.

Un salarié réalise une opération de maintenance curative.

Dans les 24 heures qui suivent un accident, la victime doit informer son employeur qui a alors 48 heures pour déclarer l’AT à la Caisse primaire d’assurance maladie. Il est conseillé de mettre en place dans l’entreprise une procédure de remontée des accidents connue de tous. « Nous étendons depuis cette année notre culture de la remontée aux presqu’accidents, qui constituent des alertes. Leur analyse permet de travailler plus en amont sur l’amélioration des dysfonctionnements », évoque Sara Barkaoui, responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) de la Maison Joseph Drouhin, producteur de vins à Beaune.

La composition du groupe de travail pluricompétent chargé de l’analyse de l’AT va différer d’une entreprise à l’autre, selon sa taille, la nature de l’accident et sa gravité. Ce groupe aura pour mission de recueillir les faits le plus tôt possible, pour éviter la déperdition d’informations, puis de les analyser. Il peut s’appuyer sur différentes techniques ou méthodes : celle de l’arbre des causes (combinant questionnement des faits et représentation graphique), la méthode des 5 pourquoi, le diagramme d’Ishikawa… « La méthode de l’arbre des causes va interroger en profondeur les composantes techniques, organisationnelles, opérationnelles ou formatives qui ont directement généré l’accident (causes directes) ou qui y ont contribué et peuvent être plus lointaines (causes profondes), explique Anne-Sophie Valladeau, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Quelle que soit la méthode choisie, l’objectif est d’agir. »

Un ouvrier du BTP marche dans un bâtiment en construction.

Pour cela, le groupe de travail propose à l’employeur ce qu’il juge le plus adapté pour corriger les événements qui ont conduit à l’accident et ainsi prévenir la survenue d’un nouvel accident. Un plan d’action, dont il faut assurer la traçabilité et le suivi, est mis en œuvre. « Cela permet d’alimenter l’évaluation des risques et de mettre à jour le document unique, notamment si les causes à l’origine d’un accident ou même d’un presqu’accident n’avaient pas été identifiées au préalable », poursuit Anne-Sophie Valladeau.

Enfin, parler de ce qu’il s’est passé est indispensable. « Il faut entrer dans une dynamique d’action et de discours : former, informer, impliquer les agents, surtout dans nos métiers où l’encadrement n’est pas présent lors des missions », souligne Sylvie Andron, directrice des services chez Objectif Émergence, association d’aide à domicile de Montpellier. Communiquer sur les suites données permet aussi une meilleure acceptation des actions mises en œuvre. Celles-ci devront être suivies dans le temps afin de vérifier que les résultats obtenus sont conformes aux attentes.

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