
Travail & Sécurité : À quelles nuisances sonores sont exposés les opérateurs travaillant dans les open-spaces ?
Laurent Brocolini : Contrairement à ce qui peut survenir en milieu industriel, l’exposition au bruit dans les bureaux ouverts n’est pas source de lésions auditives. Toutefois, elle peut avoir des conséquences non négligeables pour les salariés en créant de la fatigue, du stress et, à plus ou moins long terme, amener à des arrêts de travail. Plusieurs études ont montré que les nuisances les plus importantes sont celles concernant le bruit lié à la parole et notamment à la parole intelligible, qui perturbe la concentration. En open-space, les travailleurs peuvent par ailleurs être exposés aux sonneries des téléphones, au bruit des équipements (ventilation, photocopieurs, imprimantes…) ou encore au bruit généré par le passage des autres occupants de l’espace.
Comment évalue-t-on le bruit dans ces espaces ouverts ?
L. B. : En premier lieu, la réalisation de mesures à vide permet de caractériser le local, son traitement, le mobilier. Plusieurs indicateurs existent : le temps de réverbération, l’atténuation de la parole poste à poste, le taux de décroissance spatiale de la parole à travers le local et le niveau pondéré de la parole à 4 mètres de la source de bruit. Parallèlement à ça, il convient de mesurer le niveau de bruit ambiant avec un sonomètre ou un exposimètre posé idéalement à un poste de travail libre, à environ 1,20 m de hauteur, soit le niveau des oreilles en position assise. Cette mesure doit se faire sur un temps suffisamment long au cours d’une ou plusieurs journées de travail afin de caractériser l’ensemble des tâches effectuées sur le plateau. Par ailleurs, lors de cette mesure, le taux d’occupation doit être le plus élevé possible pour avoir une vue de la situation la plus préjudiciable. D’une façon générale, il est nécessaire de réaliser les mesures en différents points du plateau, ce qui nécessite l’utilisation en simultané de plusieurs appareils assez coûteux.
Quelle solution l’INRS propose-t-il pour faciliter le déploiement des mesures sur le terrain ?
L. B. : L’INRS a mis au point un prototype d’exposimètre commercialisé par la société Alliantech sous le nom d'ATomic WorkPlace. Léger et simple d’utilisation, il permet de mesurer le niveau de bruit ambiant avec un échantillonnage assez fin (un relevé toutes les 125 ms). L’appareil propose également d’évaluer l’intelligibilité de la parole au travers de la fluctuation du niveau sonore (MAeq). C’est une donnée intéressante puisque des études ont montré qu’au-delà de 5dB(A) de MAeq, 50 % des occupants des espaces ouverts se disent gênés par la parole. L’avantage de cet exposimètre est aussi d’être peu coûteux. Il a donc vocation à être multiplié et utilisé sur le terrain par les acteurs de la prévention en entreprise, notamment les services de prévention et de santé au travail. L’objectif est de renforcer l’évaluation du bruit en open-space et de coupler ces mesures avec d’autres outils liés à l’observation de l’environnement, l’évaluation de la perception sonore (questionnaire Gabo, disponible sur le site de l’INRS) pour pouvoir mettre en place une démarche de réduction du bruit et des actions de prévention.
Cet exposimètre a notamment été utilisé au Centre de gestion des Vosges dans le cadre de nouveaux travaux sur l’évaluation des ambiances physiques en open-space…
L. B. : Nous avons en effet prévu d’intervenir sur une trentaine de plateaux pour évaluer le bruit en couvrant l’ensemble des activités de l’open-space, qu’elles soient majoritairement téléphoniques, collaboratives, faiblement collaboratives, avec accueil de public ou que l’organisation combine ces différentes activités. Nous associons à ces mesures de bruit des données concernant le taux d’occupation de l’espace. La norme d’ergonomie NFX 35-102, qui a été révisée en 2023, ne fait plus désormais de recommandations en termes de surface minimale par personne dans les bureaux. Notre souhait est donc d’élaborer un modèle pour établir un lien entre densité et niveau de bruit ambiant qui permette de faire des préconisation d’aménagement des espaces.