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Les activités de loisirs

Des gladiateurs à la pointe de la prévention

Au Puy du Fou, célèbre parc à thème historique vendéen, la prévention des risques professionnels est intégrée en amont, dès la création des spectacles, et connaît ensuite une amélioration continue au fil des évolutions scénographiques.

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Corinne Soulay - 25/06/2025
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Depuis 2008, les chars ont subi diverses modifications pour réduire les vibrations auxquelles sont exposés les conducteurs lors des représentations.

« Morituri te salutant ! », « Ceux qui vont mourir te saluent ! », s’exclament les gladiateurs à l’attention de l’empereur. Dans les gradins, 7 000 spectateurs encouragent les combattants. Le « Signe du Triomphe » est l’un des spectacles phares du Puy du Fou, célèbre parc de loisirs fondé en 1989 et situé aux Épesses, aux confins de la Vendée. Dans l’enceinte du stadium aux allures de colisée, s'y succèdent course de chars, combats au glaive, effets pyrotechniques… jusqu’à la scène finale, modifiée en 2022, où le décor central, surmonté d’un obélisque, se déploie pour se métamorphoser en imposante galère mobile de 40 m de long. Une prouesse scénographique qui réunit quotidiennement 56 acteurs et cascadeurs (les « talents »), pléthore d’animaux, des techniciens, un chef coulisse et un régisseur.

SANTÉ ET SÉCURITÉ EN MODE PROJET

Au Puy du Fou, la prévention des risques professionnels fait partie d’un pôle « santé intégrale », qui dépend de la direction des ressources humaines. Le service est inclus dans les réflexions dès les premières phases de création d’un spectacle. « Notre culture en matière de santé et sécurité au travail est “ceinture et bretelle”, donc si un directeur artistique nous fait part d’une nouvelle idée de cascade en hauteur, nous évaluons les risques et proposons des couches de sécurité supplémentaires. Ainsi, au-delà de la ligne de vie, du harnais, on se demande s’il faut prévoir un matelas en dessous », détaille Guillaume Berteau, le responsable formation. Le pôle santé présente aussi un service dédié à l’innovation, qui travaille actuellement sur plusieurs outils au service de la prévention. Parmi ces projets, un système de mesure de l’intensité physique qui pourrait permettre d’objectiver les efforts associés à un geste et d’affiner les plannings des talents, en fonction de ces efforts.

L’histoire a beau se dérouler dans l’Antiquité, les conditions de travail sont heureusement celles du XXIe siècle, en particulier en matière de prévention des risques professionnels. « Nous prenons en compte la santé et la sécurité des talents dès la conception des spectacles. Et, comme nous changeons régulièrement la mise en scène pour ne pas lasser notre public, nous réévaluons les risques à chaque fois », explique Guillaume Berteau, le responsable formation du Puy du Fou.

Formés chaque année

Pour « Le Signe du Triomphe », les risques principaux sont les troubles musculosquelettiques et traumatologies liés aux combats et cascades, ceux associés au port de charges, aux animaux, au feu et aux machines. Le parc est ouvert d’avril à novembre et accueille, sur cette période, 350 salariés permanents et jusqu’à 2 500 saisonniers. « Ces derniers reviennent souvent d’une année sur l’autre, mais qu’ils soient nouveaux ou anciens, ils bénéficient chaque année d’une formation, à la fois sur leurs différents rôles et sur la sécurité », relève Guillaume Berteau. Au quotidien, les équipes sont suivies par deux préparateurs physiques et la prise de poste débute par des échauffements, avant d’enchaîner sur deux à trois heures de répétition.

Les chorégraphies sont alors revues, d’abord au ralenti, puis en vitesse réelle. « En entraînement, les épées sont en plastique pour éviter les TMS et lors du spectacle, les costumes ont des protections intégrées », note Quentin Merceron, directeur de trois spectacles dont « Le Signe du Triomphe ». Une personne est également chargée de la planification et de la répartition des différents rôles. « Chaque talent maîtrise plusieurs personnages, certains exigent plus d’efforts physiques que d’autres, explique Bertrand Prevot, le référent planning. Notre logiciel comptabilise les rôles que le salarié fait dans la journée pour s’assurer que l’effort demandé ne soit pas trop intense. »

UN ATELIER DE DÉCORS CONSTRUIT AVEC LA CARSAT

Pour les décors de ses spectacles, le Puy du Fou ne va pas chercher loin : ils sont fabriqués sur place. Un nouvel atelier de 2 500 m2 est en cours de finalisation. « Nous fournissons aussi l’autre parc du Puy du Fou en Espagne et nous commencions à être à l’étroit », justifie Guillaume Berteau. La Carsat a été sollicitée en amont de la conception pour y intégrer les mesures de prévention des risques professionnels. « Il y a eu une réflexion sur la localisation du bâtiment afin d’optimiser les flux dans un parc où se déplacent des centaines de travailleurs et jusqu’à 30 000 visiteurs par jour, explique Vincent Berton, ingénieur-conseil à la Carsat Pays de la Loire. Nous avons validé les plans, qui respectent le principe de la marche en avant, avec une vigilance particulière sur certains postes à risque. » Les cabines de peinture ou de moulage de composites, par exemple, sont pourvues de parois aspirantes et d’une soufflerie laminaire pour limiter le risque chimique. L’atelier bois, lui, dispose d’un système d’aspiration à la source et de silos extérieurs pour réduire le risque d’explosion.

Avant le début du show, le responsable du spectacle briefe l’équipe. L’occasion de galvaniser la troupe et, si besoin, de revenir sur des problèmes techniques ou des questions de sécurité. Le spectacle débute par une parade. Au sommet du char de Bacchus, un acteur invective la foule… sécurisé par une ceinture bien cachée. Puis, apparaît une dresseuse d’oies guidant une centaine de volatiles disciplinés. Enfin, les porteurs de la louve, symbole de Rome, entrent en scène... Le poste a connu récemment des améliorations. « Des talents et l’ostéopathe du site nous ont remonté des douleurs, rapporte Quentin Merceron. Nous avons étudié le poste. Bilan : nous avons allégé la structure en vidant la louve de sa mousse, élargi son socle pour mieux l’équilibrer et mis en place un système de réglage pour adapter la hauteur des barres à la taille du porteur. » Les douleurs ont finalement disparu.

« Il faut trouver le bon curseur entre esthétique, artistique et santé et sécurité des salariés », résume Vincent Berton, ingénieur-conseil à la Carsat Pays de la Loire qui accompagne le Puy du Fou. Et de rappeler l’exemple des chars, fruits d’améliorations progressives : « En 2008, l’entreprise avait sollicité la Carsat car les conducteurs se plaignaient de maux aux genoux et au dos. À l’époque, les chars étaient en acier brut afin qu’ils ressemblent le plus possible aux modèles antiques. Le laboratoire de mesures physiques a réalisé des mesures de vibrations qui se sont révélées très élevées. Nous avions aussi pointé l’impact de la piste, caillouteuse et bosselée. » La première solution a été d’ajouter deux amortisseurs. Puis les roues ont été remplacées par des pneus, le sol du stadium recouvert de sable humide, lissé après chaque spectacle... « Nous avons finalement opté pour des modèles en aluminium, faisant passer l’attelage de 350 à 150 kg et nous avons ajouté un tapis anti-vibrations aux pieds du conducteur », complète Quentin Merceron.

Bien-être animal

Le spectacle met également en scène une soixantaine de chevaux par représentation. « Le risque est lié à l’imprévisibilité de leurs réactions, signale Guillaume Berteau. Pour le maîtriser, il faut que les animaux soient calmes, donc nous sommes attentifs à leur bien-être. » Des phases de repos sont ainsi prévues après l’effort. « Nous les faisons marcher 15 minutes, à la sortie de la course de chars, pour que leur rythme cardiaque redescende, ce qui permet de limiter les courbatures et un cheval ne court pas deux jours d’affilée. »

Pour limiter le trajet, l’écurie a été installée à proximité du stadium. Le bâtiment a été reconstruit en 2022 et les cavaliers ont été consultés à la conception. « Il y avait notamment des situations un peu stressantes liées à la coactivité lorsque certains donnaient à manger aux chevaux et d’autres les préparaient », rappelle Quentin Merceron. Désormais, certaines travées sont réservées au nourrissage, et d’autres à la préparation des équidés (costumes…). Ces dernières sont assez larges pour pouvoir mettre en place l’attelage à l’intérieur, en cas de fortes chaleurs ou de pluie.

Au Stadium, le dénouement approche, des flammes jaillissent du décor central : leur actionnement dépend d’une double validation, à la fois par le régisseur et par un figurant sur scène qui manipule discrètement une poignée de sécurité cachée. La métamorphose de la galère peut commencer… Jusqu’en 2021, les acteurs n’avaient pas d’interaction avec les machines, il a donc fallu évaluer ce nouveau risque et les sensibiliser.

Un technicien, dissimulé sous la structure, les yeux rivés sur quatre caméras, ainsi que des grilles asservies, permettent de s’assurer que personne ne se trouve dans la zone où sont installés les moteurs, les machines à fumée et la centrale hydraulique. À l’extérieur, certains figurants ont pour mission de surveiller que personne n’entre dans des zones à risque et des boutons d’arrêt d’urgence ont été disposés un peu partout dans le décor. En haute saison, le spectacle peut se jouer jusqu’à quatre fois dans la même journée.

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