DOSSIER

L’association Les jours heureux, regroupant des structures dédiées au bien-être et à l’épanouissement de personnes handicapées mentales en région parisienne, a entrepris de mobiliser ses directeurs sur les risques professionnels et de former un réseau de référents TMS. Rencontre avec Patricia Aubrée, la directrice générale.

Quel est le rôle de l’association Les jours heureux et comment les questions de santé au travail y sont-elles abordées ?
Patricia Aubrée. Créée en 1972 à l’initiative de parents, Les jours heureux est une association reconnue d’utilité publique intervenant dans le champ du handicap mental adulte. Nous gérons en Ile-de-France vingt établissements et services, ce qui représente plus de 600 places d’accueil et l’emploi de 600 professionnels, notamment des métiers de la vie sociale, médicaux et paramédicaux. L’association développe une vigilance de longue date sur les questions de santé au travail, avec l’idée qu’il ne peut y avoir d’engagement qualitatif sur l’accueil de personnes qui ne vont pas bien si le personnel lui-même est en souffrance. Or, malgré les moyens mis en œuvre par le passé (formations, matériel…) et un engagement signé avec nos élus sur ces questions, nos résultats, en termes d’accidents du travail ou d’absentéisme, n’étaient pas bons. En 2017, nous nous sommes donc rapprochés du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph pour y former tous nos directeurs d’établissement à la prévention des risques professionnels.

Quelle a été la stratégie mise en œuvre ?
P. A
. Dans nos métiers, l’idée que la santé de la personne dont on s’occupe est la seule qui compte est très répandue, y compris chez les dirigeants. Beaucoup estiment que se casser le dos fait partie du métier. Il fallait remobiliser ces cadres, notamment les rappeler à leurs obligations, et les convaincre qu’il est possible de faire mieux. On ne peut pas évoluer avec un encadrement atone. Au cours de la formation, la nécessité d’un changement de stratégie a émergé. L’approche par les gestes et postures, qui a longtemps dominé, a montré ses limites. Le message que l’on porte aujourd’hui est que la prévention – notamment avec l’utilisation des aides techniques – doit être intégrée dans la conception du soin et de l’accompagnement pour permettre de ne plus porter. Je ne pense pas que nos dirigeants l’aient tous assimilé, mais ils ont identifié dans leur établissement des professionnels qui sont à leur tour partis se former. À leur retour, des moyens leur ont été donnés et notamment un temps dégagé sur une mission de préventeur TMS.

Ces préventeurs TMS vont donc avoir un rôle clé dans la transmission des savoirs…
P. A.
Oui. Aujourd’hui le dispositif se met en place. Cela demandera du temps et il faudra y porter une attention quasi permanente. Encore une fois, il faut bien comprendre que l’on rame à contre-courant. Tant que dans la formation initiale des directeurs, des chefs de service et de l’ensemble des professionnels, la question de la santé au travail ne sera pas posée au sens large, cela restera compliqué. Dans la culture du métier, l’aide à la manutention est souvent perçue comme « le truc d’à côté ». Il faut changer cette idée. Pour que notre projet d’accueil de personnes en difficulté porte en lui un projet de salarié en bonne santé, nous devons mettre en place une dynamique qui permette à chacun de s’approprier la démarche.

HARMONISER LES APPROCHES

Adjointe au directeur des ressources humaines de l’association Les Jours heureux, Hélène Buissou a endossé, à son arrivée dans l’association, le rôle de tête de pont du réseau des préventeurs TMS. « Je suis en lien permanent avec nos référents, dans l’optique d’harmoniser nos approches et nos outils. Pour bien comprendre les enjeux, j’ai suivi la même formation qu’eux. Aujourd’hui, nous avons la volonté de mutualiser, de créer des audits croisés, et de favoriser les échanges entre établissements, afin de rendre la démarche pérenne », explique-t-elle. Elle sait bien que le chemin sera long et que les messages auront besoin d’être répétés, mais elle perçoit néanmoins quelques signes encourageants. « Les équipes apprécient que l’on s’intéresse à elles, poursuit-elle. L’idée de remettre à plat les pratiques et d’apprendre à ne plus porter rencontre chez certains un écho très favorable. »

Propos recueillis par Grégory Brasseur

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